Il y a au moins un point sur lequel les régimes nazi et stalinien étaient d’accord dans les années 1930-1940, c’était sur l’exclusion des formes d’art trop contemporaines, qualifiées de dégénérées par les nazis (« Entartete Kunst », soir « l’Art dégénéré »).
Côté austro-allemand, nombreux sont les musiciens, compositeurs ou instrumentistes, communistes ou d’origine juive, qui ont été chassés par le régime nazi comme des artistes dégénérés. Ne pouvant exercer leurs talents, presque tous ont dû fuir l’Allemagne.
Ainsi, Zemlinsky (1871-1942), digne héritier de Richard Strauss, Schönberg (1874-1951), Korngold (1897-1957) et Krenek (1900-1991) ont dû migrer aux USA, et leur production musicale, pourtant reconnue avant 1933, est aujourd’hui pratiquement inconnue.
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En 1933 Kurt Weill, dont l’œuvre a été victime des autodafés nazis, se réfugie en France. En 1935, il part aux États-Unis où il mourra en 1950.
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Quant à Schreker (1878-1934) et Berg (1885-1935), ils ont également eu à subir la censure nazie, mais ils sont morts trop tôt pour avoir à fuir le régime.
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Le cas du Hongrois Bartok est également intéressant. Quand le régime hongrois s’est rallié à l’idéologie nazie, Bartok a demandé à ce que ses œuvres fassent partie de l’art dégénéré, et a refusé toute compromission avec le régime en place. En 1940, il part aux États-Unis, où il mourra presque dans la misère en 1945, vivant des commandes que ses amis, comme Yehudi Menuhin, lui passaient.
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Mis à part Schönberg, Berg et Bartok, la plupart de ces compositeurs ne sont jamais ressortis du purgatoire, alors que leurs productions comportent de vraies richesses musicales.
Côté soviétique, le Russe Rachmaninov (1873-1943) et l’Ukrainien Prokofiev (1891-1953) ont fui la Russie en 1917. Rachmaninov mourra en exil en 1943 alors que Prokofiev retournera en Russie en 1933. Pour autant, son art est qualifié de formalisme bourgeois est sa musique mise sur liste noire, avec celle de Chostakovitch (1906-1975) qui a dû louvoyer avec la censure pour pouvoir faire jouer certaines de ses œuvres.
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L’opéra de Chostakovitch Lady Macbeth de Mzensk a été créé avec succès en 1934 avant que Staline ne l’entendre et le fasse interdire pour « chaos musical ».
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La musique de Prokofiev sera réhabilitée grâce à son formalisme socialiste (cf. son oratorio la Garde de la Paix). Il participera aussi aux efforts de mettre en lumière l’héroïsme du peuple russe avec ses musiques composées pour le cinéaste Einsenstein (Ivan le Terrible, Alexandre Nevski).
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Dans l’Italie fasciste de Mussolini, la situation semble avoir été moins difficile pour les compositeurs et les instrumentistes d’origine juive, du moins jusqu’au début de la guerre. Mais on peut noter que le compositeur juif Mario Castelnuovo-Tedesco (1895-1978) à dû fuire aux USA en 1939, pays où il mourra en 1978.
Tout a commencé par un mariage royal, celui d’Henry IV et Marie de Médicis à Florence en 1600. Lors des fêtes données à cette occasion par les Médicis on a fait représenter un grand spectacle musical, l’Euridice de Peri. À son retour à Mantoue, le duc de Mantoue demande à son compositeur de cour, Monteverdi, de monter un spectacle au moins aussi fastueux que celui auquel il a assisté à Florence. La réponse de Monteverdi à cette commande sera l’Orfeo. Orphée, ce chanteur dont l’art pouvait émouvoir les dieux de l’enfer eux-mêmes, et Eurydice, qui de mieux pour créer un genre musical, l’opéra ?
À cette époque, les femmes avaient le droit d’écrire de la musique et c’est ainsi que Francesca Caccini, une contemporaine de Monteverdi, s’est trouvée être la première femme compositrice d’opéra.
Ce nouveau genre musical se développera très vite en Italie, où des foyers d’opéras se montent à Venise, Rome, Naples ou Milan. Mazarin introduit l’opéra en France avec une représentation de l’Orfeo de Rossi à Paris en 1647, et pour le mariage de Louis XIV en 1660, il commande à Cavalli un opéra, Ercole amante (Hercule amoureux). Mais c’est quelques années après que le genre s’implante durablement en France, avec un Italien venu en France, Lully, qui régnera sans partage sur la musique de Loulou XIV.
À la même époque en Angleterre, une tradition de spectacles chantés et dansés par les nobles, les masques élisabéthains, donnera des semi-opéras, représentés par Purcell, mais ce genre périclitera après la disparition de celui-ci.
Dès lors, toute l’Europe sera sous la coupe des opéras chantés soit en italien, soit en français. C’est ainsi que l’Allemand Haendel, après avoir fait ses classes en Italie, est parti en Angleterre écrire des opéras en italien.
À la fin du XVIIe siècle, Naples devient le foyer de l’opéra italien, avec l’opera seria (opéra sérieux), mais dans cette patrie de la commedia dell’arte, on s’est mis à insérer pendant les entractes de courtes pièces légères ou bouffonnes. Ces pièces prendront leur indépendance en devenant l’opera buffa (opéra bouffon).
En France, où les codes de la tragédie lyrique avaient été fixés par Lully, on s’est mis à introduire des ballets et divertissements, donnant naissance à l’opéra-ballet, représenté par Campra (l’Europe galante).
Sur les foires de Paris, les comédiens italiens donnaient des pastiches, c’est-à-dire des paroles nouvelles placées sur des airs connus. Après différents déboires liés aux privilèges de l’académie royale de musique et de la comédie française, les forains obtiennent en 1714 le privilège de donner des comédies parlées ET chantées. L’opéra-comique était né et le théâtre de la Foire devient le théâtre de l’Opéra-comique.
Au milieu du XVIIe siècle, le principal successeur de Lully est Rameau, qui s’est mis sur le tard à différentes formes d’opéra, y compris l’opéra-ballet avec les Indes galantes.
Une génération après Haendel, l’Autrichien Gluck fera comme lui. Après avoir appris son métier en Italie, et écrit des opéras en italien pour Vienne, Gluck vient à Paris écrire (ou réécrire) des opéras en français pour la cour royale. L’hégémonie italo-française était toujours en place, puisque des musiciens comme Haydn et Mozart écrivent leurs opéras en italien, même si Mozart écrit des singspiels (sortes d’opéras comiques en allemand). Opéra classique.
Cette tentative d’écrire des opéras en allemand a été suivie par Beethoven avec son Fidelio (1814), mais les tentatives de créer un opéra allemand, avec des commandes passées à Weber ou à Schubert, se trouvent confrontées à la vague Rossini qui balaye toute l’Europe à cette même époque. C’est l’époque des opéras romantiques, représentée en France par Berlioz.
Autour des années 1820 – 1830, un événement va changer les codes pour presque tout le XIXe siècle. C’est l’apparition du Grand opéra à la française, le GoF, et Paris devient le centre de l’Europe, où il faut réussir, voire triompher. C’est ainsi qu’après Rossini qui s’était installé à Paris, deux autres Italiens, Donizetti et Bellini, viennent y terminer leur carrière, pourtant brillamment commencée en Italie. Wagner et Verdi aussi devront écrire pour l’Opéra de Paris.
Wagner et Verdi, parlons-en. Ces presque jumeaux, ils sont nés tous les deux en 1813, vont faire évoluer le genre de l’opéra.
Wagner va faire éclater le découpage traditionnel des opéras en airs, duos, etc. et va développer les notions de mélodie continue et de leitmotivs.
L’opéra a toujours suivi l’évolution des mouvements littéraires. C’est ainsi qu’à la fin du XIXe siècle, le naturalisme d’un Zola donnera naissance au vérisme en Italie, avec son plus fameux représentant Puccini. Pendant ce temps en Allemagne on peut parler du post-wagnérisme de Richard Strauss.
Arrivée des percées de la psychologie dans les livrets d’opéra avec Berg ou Janacek.
Après la Seconde Guerre mondiale, réveil de l’opéra anglais avec Britten alors qu’en France on a Poulenc et aux États-Unis, Gershwin ou Bernstein. Apparition de la comédie musicale voire des opéras rocks.
J’ai souvent parlé sur ce blog de bel canto, notamment au sujet de Rossini, Donizetti et Bellini. Mais qu’est-ce donc que ce fameux bel canto ?
Étymologiquement, le bel canto vient de l’italien « bel canto », qu’on peut traduire littéralement par « beau chant ». À ce titre, toute l’histoire de l’opéra pourrait donc baigner dans le bel canto. En fait, on réserve ce terme à une manière de chanter qui cherche une certaine beauté de l’interprétation.
Donc, quand vous écoutez ce lamento d’Ariane, de Monteverdi, c’est du bel canto.
Malheureusement, la définition de cette soi-disant beauté varie à travers les âges et les pays. Très vite les castrats, et les autres interprètes, ont cherché à mettre en valeur leur technique vocale, souvent virtuose, au détriment de la beauté de la musique (l’orchestre étant alors réduit à une simple mise en valeur des moyens vocaux des chanteurs).
Parmi les compositeurs du XVIIIe siècle encore connus de nos jours, c’est chez Vivaldi et Haendel qu’on peut entendre ces airs de bravoure.
Le bel canto jettera ses derniers feux avec une trilogie de compositeurs italiens : Rossini, Donizetti et Bellini. Rossini est certainement le dernier compositeur à s’être plié aux exigences de ses interprètes.
Puis viendront Verdi et Wagner, qui sonneront définitivement le glas du bel canto. Verdi assurera la transition entre une écriture encore bel cantiste dans sa jeunesse (Rigoletto) et l’écriture beaucoup plus dramatique à laquelle il arrivera avec Otello.
Wagner, lui, dynamitera les codes du découpage traditionnel de l’opéra en airs, duos, récitatifs, chœurs… et en développant la mélodie continue. Si on trouve encore de grands airs chez Verdi, on n’en trouve plus guère chez Wagner, surtout dans ses œuvres de la maturité.
L’événement semble passer largement inaperçu, c’est pourtant ce soir (1er avril 2023) que sera créé, en direct du CERN sous les yeux des spectateurs, le dernier opéra de Stephen HAWKING, et le premier opéra quantique de l’histoire.
On se souvient de la catastrophique production de l’Opéra de Paris, convoquant Stephen Hawking dans une mise en scène de la Damnation de Faust de BERLIOZ (avec l’approche simpliste suivante, Faust = savant et savant = Hawking).
Mais ce n’est pas de cet « hommage » raté que je vais vous parler aujourd’hui, mais bien de la création du premier opéra quantique de l’histoire, sous-titré « Des Trous de vers au cœur des trous noirs« .
Suivant le classement de G.B.SHAW, nous sommes ici dans une configuration originale (S+B / TdV ), puisqu’une étoile (soprano) est attirée par un trou noir (basse), alors qu’un trou de vers (TdV) cherche à les séparer.
Le pitch : Les trous noirs sont des régions singulières de l’espace-temps, créées par l’effondrement d’une étoile supermassive sur elle-même, créant un champ gravitationnel si intense que la matière qui l’approche ne peut s’en échapper. Mieux, la lumière elle-même, composée de photons, est attirée inéluctablement par le trou noir. Dès lors, aucune lumière ne peut en provenir, d’où le nom de trou noir.
Acte I : En 1974, le physicien Stephen Hawking, dans le cadre de ses travaux sur la thermodynamique des trous noirs a suggéré que les trous noirs détruisent l’information contenue dans les objets qu’ils absorbent, ce qui est contraire aux lois les plus élémentaires de la physique quantique.
Acte II : Hawking a montré que les trous noirs ne sont pas si noirs que ça. En fait, ils s’évaporent suivant le « rayonnement de Hawking », jusqu’à disparaître complètement (bon, d’accord, le temps qu’ils s’évaporent, l’univers aura largement eu le temps de disparaître, donc on n’est pas près d’observer ce phénomène.) Il a aussi montré que lors de la création de deux particules virtuelles de part et d’autre de l’horizon du trou noir, une de ces particules reste en dehors alors que l’autre est absorbée par le trou noir. Là où ça se complique, c’est que ces particules sont physiquement intriquées, c’est-à-dire que toute l’information de l’une est partagée par l’autre, alors que l’une des deux est phagocytée par le trou noir, et que son information est donc perdue.
L’œuvre précédente s’appelle Protonic Game, de Fabien WAKSMAN. Ce compositeur a également écrit un cycle de 9 mélodies intitulées Hawking Songs, sur des poèmes de Jean-Philippe UZAN. Vous pouvez en entendre 3 d’entre eux en cliquant sur le lien suivant (de la minute 24 à la minute 39,5) :
Acte III : Pour résoudre cet amusant paradoxe, les physiciens en sont venus à l’idée que deux trous noirs pouvaient être reliés entre eux par un « trou de vers », et que de l’information pouvait ainsi circuler d’un trou noir à l’autre. Ils ont nommé l’île la région intérieure du trou noir pouvant ainsi être échangée.
(Source : Une île au cœur des trous noirs, Pour la Science n°542, décembre 2022.)
Le livret ayant été écrit en partie à partir de la Petite Cosmogonie portative de Raymond QUENEAU, il n’est pas surprenant que l’Opéra de Saint-Glinglin ait d’ores et déjà planifié une reprise de cette œuvre le 1er avril 2024.
P.S. J’avais déjà bien avancé sur la préparation de ce billet quand je suis tombé sur le podcast « Astrophysique et musique avec Jean-Pierre Uzan« , qui m’a permis de trouver quelques idées supplémentaires. Vous pouvez cliquer pour arriver sur le podcast complet.
Et si vous voulez un peu plus de zizique, vous pouvez toujours cliquer sur le bonus surprise mystère.
Mais mon livre sur les compositeurs et les compositrices, voyons !
Soit une cinquantaine de compositeurs et compositrices, de Claudio MONTEVERDI à Benjamin BRITTEN, en passant par Francesca CACCINI ou Pauline VIARDOT, recueillis en un joli volume. Pour chaque compositeur, j’ai inséré un QR Code qui vous permettra, en l’activant, d’arriver sur la page idoine de mon blog, et donc d’écouter toutes les jolies musiques que je cite dans le livre.
J’aurais pu appeler ce billet « TROMPEZ SONNETTES », mais je serais arrivé à un tout autre texte, déplorant la dérive journalistique observée depuis quelques années, où l’important n’est plus d’informer, mais de faire coûte que coûte du buzz, et ceci au mépris de la vérité et de l’information.
Eh bien, il ne sera ici question ni de sonnettes ni de sornettes mais bel et bien de trompettes.
La trompette est certainement un des instruments de musique les plus anciens, avec la flûte (à partir d’os ou de roseaux), et les percussions.
L’Égypte antique en attribue l’invention au dieu Osiris, les Hébreux la font dériver du schofar, une corne de bélier où l’on soufflait à l’approche des ennemis. Plus tard, ils en réservent l’usage à leurs prêtres. Chez les Romains ou les Grecs, c’est l’aspect martial qui prédomine, pour mener les armées au combat.
Tout d’abord, et ce n’est pas anodin, je vous propose la toccata d’ouverture de l’Orfeo de MONTEVERDI, le premier opéra de l’histoire (1607).
Dans notre musique classique, les trompettes peuvent aussi représenter le Jugement dernier, et c’est l’usage que l’on trouve dans certains Requiems notamment dans les « Tuba mirum ».
Peut-être sont-ce ces trompettes tout haut d’or pâmées sur le vélin que chante Mallarmé dans son Hommage à Richard Wagner, mais bien plus probablement sont-ce ces appels de fanfares qui appellent le public quand la représentation va commencer. (À Bayreuth, ce n’est pas une bête sonnerie qui avertit le public qu’il doit rejoindre ses places, mais une fanfare de l’orchestre, qui joue les principaux thèmes qui seront joués.)
Bien entendu, la trompette est aussi un instrument important dans le jazz, de Louis ARMSTRONG à Winston MARSALIS, ou de Miles DAVIS à Ibrahim MAALOUF, mais il y aurait un billet à écrire rien que pour cette thématique.
Et si vous voulez encore un peu de trompette, cliquez donc sur le bonus mystère.
En solfège, le silence représente une pause dans la musique, un moment où aucune note n’est jouée, pause qui prend la valeur d’une ronde. Il existe des subdivisions du silence, dont le soupir dont la valeur correspond à une noire, soit le quart d’un silence.
De tout temps donc, le silence est consubstantiel à la musique. Il faut laisser des pauses pour laisser résonner la musique précédemment jouée.
C’est ainsi qu’il faut comprendre l’aphorisme de Sacha GUITRY, quand il déclarait « Lorsqu’on vient d’entendre un morceau de MOZART, le silence qui lui succède est encore de Mozart« .
Selon Wladimir JANKELEVITCH dans la Musique et l’ineffable, l’évolution musicale de LISZT va du tumulte romantique des années de sa jeunesse à un effacement progressif : C’est ainsi que l’œuvre de Liszt, toute bruissante d’héroïsme, d’épopées et d’éclats triomphants, se voit aux approches de la vieillesse envahie peu à peu par le silence… de longues pauses viennent interrompre le récitatif, des mesures blanches espacent et raréfient les notes: la musique de la Messe basse, des Valses oubliées, de la Gondole funèbre et du poème symphonique Du berceau à la tombe devient de plus en plus discontinue, les sables du néant envahissent la mélodie et en tarissent la verve.
L’étape suivante de la néantisation de la musique est signée Alphonse ALLAIS. Déjà inventeur, bien avant MALEVITCH, des monochromes, comme ses tableaux Combat de nègres pendant la nuit (1882) ou Première communion de jeunes filles par temps de neige (1883), il a aussi composé la première musique entièrement silencieuse, avec sa Marche funèbre composée pour les funérailles pour un grand homme sourd (1897).
Il faudra attendre presque 70 ans pour que ce concept soit repris par John CAGE avec sa pièce pour piano en trois mouvements intitulée 4 mn 33 s. En fait, Cage avait eu l’occasion de visiter une chambre anéchoïde, c’est à dire qui absorbe tous les bruits extérieurs, et s’attendait à trouver le silence absolu. Il avait été frappé de se trouver confronté à tous les bruits provoqués par son propre corps, des battements de cœur au souffle de sa respiration. Et donc la musique sous-tendue par 4 mn 33s, durée pendant laquelle le pianiste ne produit pas une seule note, est en fait le bruit provoqué par le public même, et par le pianiste, pendant cette attente interminable de 4 minutes et 33 secondes. Il existe des transcriptions de cette œuvre pour orchestre ou pour chœur. Vous ayant déjà présenté ce morceau par ailleurs, c’est la version orchestrale que je choisis de vous faire entendre aujourd’hui.
« Musicienne du silence », ainsi se termine le poème Sainte, écrit par Mallarmé en 1886 sur un vitrail représentant Sainte Cécile, patronne des musiciens.
Les leçons de Ténèbres correspondent à un genre musical très particulier, réservé aux trois jours précédant Pâques. Le texte biblique est tiré des Lamentations de Jérémie et évoque la destruction du temple de Jérusalem à cause des péchés d’Israël.
Même si ce genre a préexisté à la période baroque française, notamment en Italie, c’est en France et sous Louis XIV que ce genre s’est développé.
À l’origine, donc, on les chantait aux matines des trois jours précédents Pâques, mais sous Louis XIV, ces matines étant célébrées au milieu de la nuit, donc trop tard pour beaucoup de gens, on a pris l’habitude de les donner l’après-midi précédent, soit les mercredi, jeudi et vendredi saints.
Sur trois jours, chaque office comprend trois nocturnes qui comportent chacun trois psaumes, les lamentations étant chantées pendant le premier nocturne.
Ces leçons sont vite devenues un événement mondain de la cour du roi, pour devenir un style de musique typiquement français. En effet, pendant la semaine sainte, on ne pouvait pas donner de représentations théâtrales ou d’opéras. Les chanteurs et instrumentistes en vogue à l’époque se tournaient donc vers ces musiques religieuses. Pendant le déroulement de ces pièces, on éteignait les chandelles au fur et à mesure, et l’office se terminait donc dans le noir complet. Plutôt théâtral comme effet, non ?
Les principaux auteurs de Leçons de Ténèbres sont Michel LAMBERT, Sébastien BROSSARD, François COUPERIN, Marc-Antoine CHARPENTIER ou encore Michel-Richard DELALANDE.
(Source principale : Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, sous la direction de Marcelle BENOIT, éditions Fayard, 1997)
Voici donc une petite sélection de leçons de Ténèbres.
Marc-Antoine Charpentier Réponse de la seconde leçon du Mercredy
Aliette de Laleu à la librairie Place ronde, à Lille, le 25 février 2022
Cette année, mon sujet pour la journée internationale des femmes (en France, on dit la journée internationale des droits de la femme) est tout trouvé. En effet, la journaliste musicale Aliette de LALEU, que j’ai déjà citée sur ce blog, vient de sortir un essai passionnant sur la place des femmes dans la musique classique : Mozart était une femme.
Je vous propose donc de le lire ensemble, et en musique.
Chapitre 1 : « Des noms et des visages ». Ce premier chapitre est consacré aux premières femmes musiciennes, en commençant par Sappho (Sapho). Poétesse, et donc musicienne, ayant vécu sur l’île de Lesbos six siècles avant J.-C., elle a été surnommée la dixième muse par PLATON. Elle a fondé un temple dédié à Aphrodite. Son nom est resté dans l’histoire de la littérature et de la poésie et, à l’époque romantique encore, a continué faire parler d’elle. Ne pouvant vous faire entendre sa musique, je vous propose ici un air de l’opéra Sapho, que GOUNOD a écrit en 1851 pour la cantatrice Pauline VIARDOT (que l’on retrouvera plus loin dans le livre d’Aliette.)
Montons dans notre chronoscaphe et faisons un bond dans le temps pour admirer Hildegarde von BINGEN (1098-1179). Musicienne, religieuse, herboriste (et donc guérisseuse), Hildegarde a occupé une place très importante à son époque.
Le chapitre commence à Venise au XVIIe siècle, avec ses hospices consacrés aux nécessiteux et aux enfants orphelins ou abandonnés. C’est dans un de ces hospices réservés aux jeunes filles qu’œuvrait VIVALDI, et une grande partie de sa musique a donc été écrite pour des femmes, chanteuses ou instrumentistes. On peut se faire une idée de l’atmosphère qui régnait dans ce milieu dans le roman Consuelo de George SAND.
Chapitre 3 : « Les révolutionnaires du classique »
Au début de ce chapitre, Aliette nous apprend qu’il y a eu une très grande production d’opéras écrits par des femmes en France autour de la période révolutionnaire puisque ce sont 54 opéras écrits par 23 compositrices ou librettistes qui ont été recensés entre 1770 et 1820.
Elle nous parle ensuite du remplacement progressif des castrats, surtout en France, par des femmes. C’est le cas de La MALIBRAN (Maria), la grande sœur de la cantatrice et compositrice Pauline VIARDOT.
Elle évoque aussi la figure d’Hélène de MONTGEROULT, grande pianiste et auteure d’une méthode de piano dont on se demande pourquoi elle n’est pas plus connue.
La partie consacrée à Maria Anna MOZART, dite Nannerl explique le titre de ce livre.
Chapitre 4 : « Les guerrières romantiques »
Dans ce chapitre, Aliette de Laleu évoque quelques figures de femmes compositrices dont le talent a été empêché par des hommes, pères frères ou maris.
Tout d’abord Fanny MENDELSSOHN, la grande sœur de Félix. Très proche de son frère, c’est son père qui a freiné son envie de faire de la musique. On sait que certaines des mélodies publiées par Félix sont en fait de Fanny, ce qui le faisait souffrir dans son orgueil quand on le complimentait pour des musiques qui n’étaient pas de lui. Je reviendrai sur Fanny le 14 mai prochain pour le 175e anniversaire de sa mort.
Ensuite, Clara SCHUMANN, la femme de Robert, qui a sacrifié sa carrière de compositrice pour mieux servir son mari, même si ses talents de pianiste étaient reconnus (c’était souvent grâce à eux qu’elle faisait « bouillir la marmite », les revenus de Robert n’étant pas suffisants pour faire vivre la famille.)
Enfin Alma MAHLER, la femme de Gustav, qui par contrat a dû s’engager à cesser d’écrire de la musique quand elle s’est mariée, pour ne pas faire d’ombre à son mari.