littérature, Oulipo, Poésie

LE TEMPS PERDU, de PRÉVERT

En ce 1er mai, jour de la fête internationale du travail, j’ai choisi pour mon poème mensuel Temps perdu de Jacques Prévert, où on voit un ouvrier interpellé par le soleil s’arrêter à la porte de l’usine.

(Rappel du principe, je prends un poème parmi mes préférés, et j’illustre les images évoquées par ce poème par des citations musicales en rapport [pour moi] avec ces images.)

Devant la porte de l’usine
le travailleur soudain s’arrête

Cliquez sur l’ouvrier arrêté

le beau temps l’a tiré par la veste
et comme il se retourne
et regarde le soleil
tout rouge tout rond

Cliquez sur le soleil tout rouge tout rond

souriant dans son ciel de plomb
il cligne de l’œil
familièrement
Dis donc camarade Soleil

Cliquez sur l’image

tu ne trouves pas
que c’est plutôt con
de donner une journée pareille
à un patron
?

Cliquez sur Nemorino

Citations musicales :

Devant la porte de l’usine : Dans son ballet le Pas d’acier écrit en 1925 pour les ballets russes de Diaghilev, Prokofiev nous offre ce tableau « l’Usine ».

Le soleil tout rouge tout rond : Dans le tableau « les Incas du Pérou » des Indes galantes, Rameau nous offre ce « Brillant soleil ».

Camarade soleil : Dans son Hymne au soleil (An die Sonne), Schubert interpelle familièrement son camarade soleil.

C’est plutôt con de donner une journée pareille à un patron : Au début de L’Élixir d’amour de Donizetti, les ouvriers des champs se reposent pendant l’heure du midi et son soleil accablant. Nemorino, qui est secrètement amoureux de sa patronne en profite pour chanter l’air « Quanto e bella, quanto e cara ».

Et si vous aimez les bonus surprises, en voici un :

Cliquez donc sur le bonus surprise si vous aimez ça !
Compositrices, littérature, Mes opéras préférés, Théâtre

LA ESMERALDA, de Louise BERTIN (1836)

Parmi les dizaines d’opéras adaptés d’œuvres de Victor Hugo, il y en a un seul dont le livret a été écrit par VH lui-même. Il s’agit de La Esmeralda, écrit d’après Notre-Dame de Paris pour Louise Bertin. L’œuvre, créée le 14 novembre 1836 à Paris, est tombée assez vite, non pour des raisons musicales, mais pour des raisons politiques, Bertin étant la fille du directeur du Journal des Débats dont les positions politiques conservatrices étaient critiquées. La musique en a pourtant été jugée suffisamment bonne pour qu’on l’attribue à Berlioz.

On peut noter que ce livret a servi plus tard à Dargomijski.

Acte I : De nuit, à la Cour des Miracles. C’est le jour des fous. Le chœur des truands acclame Clopin, le roi de Thune. (chœur des truands « vive Clopin, roi de Thune »). Esmeralda, une orpheline qui vit parmi eux, chante son chant (Air : « Je suis orpheline »).

Frollo, déguisé sous une cape, se cache parmi eux. Il souffre car il est amoureux d’une bohémienne, Esmeralda, ce que son statut de prêtre de Notre-Dame de Paris ne permet pas. (Air : « Ô ciel, avoir donné ma pensée aux abîmes »).

Les truands élisent « pape des fous » Quasimodo, une créature difforme qui vit dans le clocher de la cathédrale. Quand celui-ci arrive vêtu d’habits pontificaux, Frollo se jette sur lui pour lui arracher ce costume sacrilège. Les truands grondent quand Clopin arrive, se mettant au service de Frollo pour le sauver. La foule partie, Frollo demande à Clopin et Quasimodo d’enlever Esmeralda.

Le capitaine Phœbus intervient, sauvant Esmeralda. Esmeralda le regarde avec admiration, mais quand Phœbus demande un baiser, elle le lui refuse. (Duo: « Un beau capitaine/Pour un capitaine »).

Air de Quasimodo « L’amour conseille »

Acte 2 : Quasimodo a été mis au pilori sur la place de grève. Les truands le vilipendent (Chœur des truands « Il enlevait une fille ») quand Esmeralda s’avance et , prise de pitié, lui donne à boire.

Chez madame Aloïse, qui s’apprête à célébrer le mariage de sa fille Fleur-de-Lys avec le capitaine Phœbus. Mais Fleur-de-Lys se doute bien que Phœebus aime ailleurs. (Duo Phoebus Fleur-de-Lys « Comme ma belle fiancée gronde aujourd’hui/Me trahir, moi, sa fiancée »). Fleur-de-Lys sortie, Phœbus chante son amour pour Esmeralda (Air : « Fille ravissante ! À toi mes amours ! »).

La fête bat son plein quand, par la fenêtre, de jeunes femmes voient Esmeralda danser sur la place. Elles reconnaissent la bohémienne que Phœbus a sauvée la veille. Phœbus lui fait signe de venir le rejoindre à la fête. Esmeralda arrive tout intimidée. (Ensemble Phoebus Esmeralda monsieur de Chevreuse « O la divine créature »).

Cliquez sur les actes 1 et 2

Acte 3 : Dans un cabaret. Phoebus et le chœur chantent une chanson à boire. Phœbus laisse entendre qu’il a rendez-vous avec une belle quand le couvre-feu sonne. Les buveurs sortent.

Phœbus + Chœur « Sois ma dame »

Frollo arrive et interroge Phœbus sur l’identité de celle qu’il aime. Quand Phœbus lui dit qu’il s’agit d’Esmeralda, Frollo lui prédit sa mort ! (Duo : « Il m’étonne, il me donne / Je l’étonne je lui donne »).

Esmeralda et Phœbus se sont donné rendez-vous (Duo : « Ô fille adorée »). Ils s’avouent leur amour mais dans l’ombre sont cachés Clopin et quelques sicaires payés par Frollo. Le prêtre poignarde Phœbus avant de prendre la fuite. (Trio : Phoebus Esmeralda Frollo « Fée ou femme sois ma dame »). Esmeralda tombe sur le corps sans vie de Phœbus et les sicaires se précipitent pour l’arrêter.

Acte 4 : En prison. Esmeralda ne comprend pas ce qui se passe, elle enfermée et Phœbus mort ! (Air : « Quoi, lui dans un sépulcre »).

Frollo entre et se dévoile. Il révèle son amour infâme pour Esmeralda (Duo Frollo Esmeralda : « Détresse extrême/Moment suprême »).

Sur le parvis de Notre-Dame. On entend les cloches. Quasimodo chante son bonheur simple de vivre dans les tours de Notre-Dame. (Air des cloches : « Mon Dieu, j’aime »).

Cliquez sur l’image

Frollo et Clopin entrent. Clopin annonce que Phœbus n’est pas mort. Frollo compte sur Clopin pour posséder Esmeralda. (Ensemble Frollo Esmeralda peuple: « C’est mon Phœbus qui m’appelle »).

Le cortège au supplice avance vers l’église. Frollo annonce à Esmeralda qu’il peut encore la sauver si elle se donne à lui, mais celle-ci refuse. Frollo prononce alors sa condamnation quand Quasimodo, qui assistait à la scène, se précipite sur Esmeralda et la conduit dans l’église, réclamant asile. La foule reprend le cri d’Asile ! (Chœur : « Asile, asile, asile »).

Frollo refuse. Esmeralda n’est pas chrétienne, elle ne peut pas bénéficier de la protection de l’église. Soudain, Phœbus intervient. Il s’est traîné jusqu’au parvis de Notre-Dame et accuse Frollo d’être son agresseur, innocentant Esmeralda. Mais Phœbus a présumé de ses forces, et il meurt. Esmeralda tombe sur son corps sans vie et le rejoint dans la mort.

Cliquez sur les actes III et IV

(Source principale : le livret.)

Écrivains, littérature, Poésie

Stéphane MALLARMÉ (1842-1898)

Étienne Mallarmé, dit Stéphane, naît le 18 mars 1842 à Paris. Son père était employé à l’administration de l’Enregistrement et des Domaines. En 1844 naît sa sœur Maria (qui mourra à l’âge de 13 ans). Stéphane perd sa mère en 1847 et son père se remarie l’année suivante.

En 1850, Stéphane entre en pension à Auteuil. Ses études sont assez médiocres. Ses premiers écrits connus datent de 1854, et en 1855, il est renvoyé de la pension de Passy. Stéphane part alors en pension à Sens.

En 1860, il entre comme surnuméraire à l’administration des enregistrements à Sens, ce qu’il appelle « ses premiers pas dans l’abrutissement ».

En 1862, Mallarmé publie pour la première fois : des articles ainsi que son poème Placet (Placet futile). Il courtise Christina (Maria), une jeune Allemande avec qui il s’installe à Londres en fin d’année.

En 1863, il se marie à Londres avec Maria. Mallarmé obtient son certificat d’aptitude à l’enseignement de l’anglais, et est nommé professeur à Tournon, en Ardèche.

En 1864, il commence une œuvre qui l’occupera toute sa vie, Hérodiade. 1864 est aussi l’année de la naissance de sa fille, Geneviève.

En 1865, il écrit Faune (première version du Prélude à l’après-midi d’un faune) et Sainte.

En 1866, des poèmes de Mallarmé paraissent dans le Parnasse contemporain. Après la parution de ces poèmes, il est renvoyé du lycée de Tournon sous la pression des parents d’élèves. Il est alors nommé au lycée de Besançon. Cette année-là, il rencontre « le néant » qui le lancera dans sa recherche vers l’absolu. Vers la fin de l’année, il commence une correspondance avec Verlaine.

En 1871, c’est la naissance de son fils Anatole. La mort d’Anatole à l’âge de 8 ans marquera profondément Mallarmé.

En 1872, lors d’un « dîner des Vilains Bonshommes », Mallarmé côtoie Rimbaud.

En 1874, Mallarmé se lance dans une aventure originale : il lance La dernière Mode, un journal de mode pour femmes dont il écrit tous les articles, et qui aura 8 numéros !

En 1875, il traduit des poèmes de Poe, dont le fameux Corbeau, qui paraîtra avec un frontispice de son ami Manet. Mallarmé s’installe rue de Rome, à Paris. C’est là que se tiendront ses fameux « mardis ».

En 1876, il fait paraître le Prélude à l’après-midi d’un faune, illustré par Manet, ainsi que le Tombeau d’Edgar Poe (Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change.)

En 1884, son ami Debussy met en musique le poème Apparition. C’est cette même année que Mallarmé fait allusion à son amie Méry Laurent.

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Mallarmé faisait partie du cercle des premiers admirateurs français de Wagner (mort en 1883). À la demande de « la Revue wagnérienne », il salue sa mémoire dans le poème Hommage (« Le silence déjà funèbre d’une moire »).

En 1891, à l’occasion d’un de ses « mardis », il rencontre Oscar Wilde qui écrira, sur le même sujet qu’Hérodiade, Salomé. Salomé sera adapté à l’opéra par Richard Strauss.

En 1892, Debussy commence la mise en musique du Prélude à l’après-midi d’un faune.

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En 1893, Mallarmé fait valoir ses droits à la retraite. En 1894, il donne deux conférences sur « la Musique et les Lettres » à Oxford et à Cambridge.

En 1896, il travaille sur Un coup de dés jamais, pour lequel son éditeur a le projet du « plus beau livre du monde ».

Mallarmé meurt le 9 septembre 1898 à Valvins, à l’âge de 56 ans. Hérodiade reste définitivement inachevée.

Ses poèmes ont également inspiré Ravel (trois poèmes de Mallarmé) ou encore Boulez (Pli selon pli).

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(source principale : la chronologie des Œuvres complètes dans la bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard, 1998.)

Cet article est une refonte complète d’un de mes tout premiers articles, que vous pouvez retrouver ici : « Mallarmé et la musique« .

littérature, Oulipo, Poésie

« LA MUSIQUE », de Charles BAUDELAIRE (4 – BEETHOVEN)

Après avoir wagnerisé le poème La musique, de Baudelaire, puis debussysé, puis encore fauréïsé ce même poème, je vous propose une quatrième version de ce poème traité à la sauce OuLiPo.

(Rappel du principe, je prends un poème parmi mes préférés, et j’illustre les images évoquées par ce poème par des citations musicales en rapport [pour moi] avec ces images.)

Aujourd’hui donc, en voici une version beethovenisée.

La musique souvent me prend comme une mer !

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Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J’escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;

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Je sens vibrer en moi toutes les passions
D’un vaisseau qui souffre ;

Le bon vent, la tempête et ses convulsions

Cliquez sur le pianiste

Sur l’immense gouffre

Me bercent. D’autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !

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Citations musicales :

Comme une mer : Beethoven Mer calme et heureux voyage.

Les poumons gonflés : Beethoven, Fidelio, chœur des prisonniers

La tempête : Beethoven sonate n° 17 – la tempête

Me bercent : Beethoven Sonate n° 14 Clair de Lune (Quasi una fantasia)

Bande dessinée, Divers

LES MIROIRS

L’air favori de Bianca Castafiore, dans les Aventures de Tintin et Milou d’Hergé et le fameux Air des bijoux extrait du Faust de Gounod, et commençant par « Ah je ris de me voir si belle en ce miroir ».

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Mais quel autre usage fait-on des miroirs à l’opéra ?

Pauline Viardot nous a laissé dans ses mélodies ce Miroir (« Oh Vénus éternelle »).

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Alors que Debussy nous propose ces Reflets dans l’eau,

Cliquez sur le pianiste

Ravel, lui, nous propose ces Miroirs

Cliquez sur l’autre pianiste

Dans l’opéra quelque peu ésotérique de Strauss la Femme sans ombre (Die Frau ohne Schatten), la femme sans ombre ne peut évidemment pas se regarder dans un miroir.

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Plus près de nuit, c’est Boulez qui appelle dans sa Sonate n°3 un mouvement « miroir ».

Cliquez sur le 1/2 Boulez

Dans Tommy des Who, la mère excédée de voir son fils se regarder dans le miroir sans s’occuper d’elle finit par briser le miroir.

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Othman Louati a écrit en 2017 Miroirs.

Le maître de la musique planante, Arvo Pärt, a écrit ce Spiegel im Spiegel (Miroir en miroir).

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On pourrait aussi invoquer l’Alice de Lewis Carroll, qui passe de l’autre côté du miroir (Through the looking Glass).

Cliquez sur la bande-annonce
Agenda Ironique, Poésie

LA CALENTURE DE BAUDELAIRE

Ce mois-ci, c’est Tout l’opéra (ou presque) (c’est moi) qui organise l’Agenda Ironique. Et qu’est-ce que je demande, me demandé-je, ce mois-ci, eh bien voilà :

Le thème principal sera « les créatures fantastiques ». Je vous propose donc de nous proposer un texte mettant en scène des créatures fantastiques telles que dragons (avec ou sans pommes), licornes, chat qui disparaît ne laissant derrière lui que son sourire ou autres sirènes (liste non limitative).

En contrainte supplémentaire, que diriez-vous d’utiliser des mots tels que calenture, dictame ou phénakistiscope ? Je vous laisse libre du choix de la forme : pièce de théâtre (avec ou sans didascalie), opéra, nouvelles, poème ou toute autre forme qu’il vous plaira d’utiliser.

Quand j’étais jeune, je collectionnais les mots rares, ceux qui étaient sortis des dictionnaires courants. Et comme les profs de français n’avaient pas réussi à me dégoûter de Baudelaire, de temps en temps je tombais chez ce poète sur de tels mots rares, comme calenture ou dictame. (En fait, je suis injuste quand j’écris cela, car j’ai eu de bons professeurs de français. C’est seulement quand j’ai passé l’oral du bac, sur un poème de Baudelaire justement (« l’Invitation au voyage »), que je suis tombé sur une véritable harpie, qui voulait me faire tuer ce poème en le disséquant dans une analyse mot à mot. (Les harpies étaient des divinités grecques de la vengeance divine, au corps d’oiseau et à la tête de femme. À la différence des sirènes, leur chant n’était pas du tout mélodieux.)

Mais, pour revenir à mes mots rares mémorables, on trouve dans le Vin des amants ce quatrain :

Comme deux anges que torture
Une implacable calenture,
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain !

Cliquez sur le mirage lointain

Baudelaire, fumeur d’opium, considère sa drogue comme un puissant dictame. On en trouve un dans « La Pipe » :

Et je roule un puissant dictame
Qui charme son cœur et guérit
De ses fatigues son esprit.

Ou encore dans l’extraordinaire « Tout entière » :

Quel est le plus doux.  » – Ô mon âme !
Tu répondis à l’Abhorré :
 » Puisqu’en Elle tout est dictame,
Rien ne peut être préféré.

Et que dire encore du poème « une Gravure fantastique » inspiré par une gravure de Hayhnes représentant un des quatre cavaliers de l’Apocalypse, Death on a pale horse.

Cliquez sur le quatuor pour la fin du temps (l’Apocalypse)

Ce spectre singulier n’a pour toute toilette,
Grotesquement campé sur son front de squelette,
Qu’un diadème affreux sentant le carnaval.
Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval,
Fantôme comme lui, rosse apocalyptique
Qui bave des naseaux comme un épileptique.
Au travers de l’espace ils s’enfoncent tous deux,

Aux fêtes, saviez-vous que Baudelaire était ami avec Félix Tournachon, dit Nadar, et que ce dernier a pris de nombreux clichés photographiques de Baudelaire ?

Eh bien, si vous collez les différents portraits de Baudelaire sur le pourtour d’un cylindre que vous ferez tourner autour de son axe, et que vous observez les photos défiler devant une fente que vous aurez pratiquée à cet effet, vous obtiendrez ainsi l’illusion du mouvement, et au passage, vous aurez réinventé le phénakistiscope !

littérature, Oulipo, Poésie

LA HALTE DES HEURES, de Paul ÉLUARD

Après Colloque sentimental, de Paul Verlaine, voici un autre poème traité à la sauce Oulipo : La halte des heures, d’un autre Paul, Eluard. (Rappel du principe, je prends un poème parmi mes préférés, et j’illustre les images évoquées par ce poème par des citations musicales en rapport, pour moi, avec ces images.)

Immenses mots dits doucement

Grand soleil les volets fermés

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Un grand navire au fil de l’eau

Ses voiles partageant le vent

Cliquez sur le pianiste

Bouche bien faite pour cacher

Une autre bouche et le serment

De ne rien dire qu’à deux voix

Du secret qui raye la nuit

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Le seul rêve des innocents

Un seul murmure un seul matin

Et les saisons à l’unisson

Colorant de neige et de feu

Cliquez sur la blanche neige

Une foule enfin réunie.

Citations musicales :

Grand soleil les volets fermés : Poulenc Sept chansons « belle et ressemblante ».

Ses voiles : Debussy Voiles.

Du secret qui raye la nuit : Berlioz Béatrice et Bénédict « Nuit sereine et paisible »

neige : Poulenc Sept chansons « la blanche neige ».

Compositrices, Poésie

Sophie LACAZE (née en 1963)

(photo Guy Bompais)

La compositrice Sophie LACAZE naît le 9 septembre 1963 à Lourdes.

Dans une interview (cf. le lien en fin d’article), Sophie raconte qu’un matin, elle avait alors 14 ou 15 ans, elle s’est réveillée en sachant qu’elle deviendrait compositrice.

Elle suit des études scientifiques, obtient son diplôme d’ingénieur à Toulouse tout en étudiant la musique au CNR de cette même ville. Elle entre par la suite à l’École normale de Musique de Paris, d’où elle sort avec un diplôme de composition.

Sophie Lacaze travaille ensuite avec Antoine Tisné, Allain Gaussin et Philippe Manoury avant d’aller étudier à Sienne avec Franco Donatoni et Ennio Morricone. Elle a également suivi les cours de Pierre Boulez au Collège de France. Elle aborde aussi le théâtre musical auprès de Georges Aperghis.

En 1998, lors de son premier voyage en Australie, elle découvre la culture aborigène. En 2002, elle est invitée en résidence à l’Electronic Music Unit de l’Université d’Adélaïde.

Sophie Lacaze a su développer une esthétique musicale personnelle visant à retrouver la vocation première de la musique dans son aspect incantatoire, rythmique ou dansant, tout en portant une attention particulière aux timbres.

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Son œuvre est jouée dans le monde entier et comprend (aujourd’hui) une centaine de numéros d’opus, allant d’œuvres pour solistes ou pour orchestre à des œuvres avec voix ou accompagnées de danses, en passant par 3 opéras.

Sophie Lacaze occupe une place importante dans la défense de la musique contemporaine, créant par exemple le Printemps Musical d’Annecy, en grande partie dédié à la création musicale, festival qu’elle dirigera pendant 5 ans, comme aussi le Festival Turbulences Sonores de Montpellier ou le Festival Musiques Démesurées de Clermont-Ferrand.

Sophie Lacaze attache beaucoup d’importance à la transmission. Ainsi, plusieurs de ses œuvres ont été pensées pour les enfants. Elle a aussi enseigné la composition et l’histoire de la musique à l’Université Paul Valéry de Montpellier pendant une douzaine d’années.

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En 2009, Sophie Lacaze reçoit le grand prix lycéen Compositeurs, et en 2010 le prix Claude Arrieu de la Sacem pour l’ensemble de son œuvre. En 2023, elle fait partie des 100 lauréates de « Femmes de Culture ».

En 2013, elle crée l’association Plurielles 34, qu’elle présidera jusqu’en 2020. C’est Claire Renard qui lui succédera à la tête de cette association.

Sophie Lacaze travaille en collaboration avec des comédiens et des metteurs en scène, ainsi que des danseurs et des chorégraphes. Parmi eux, Alain carré lui a écrit les livrets de Marco Polo, du Petit Prince, ou de l’Étoffe inépuisable du rêve (création en 2024 au Printemps des Arts de Monte-Carlo).

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Pour vous permettre d’apprécier son œuvre, en voici donc quelques extraits.

Cliquez sur en Quête
Cliquez sur le pianiste
Cliquez sur le quatuor avec accordéoniste et récitante

Ou encore l’Espace et la Flûte, sur des poèmes de Jean Tardieu illustrés par Picasso.

Cliquez sur l’image

Sophie Lacaze a aussi rendu hommage à Hildegarde von Bingen, comme dans la pièce O Sapientia.

Cliquez sur l’image

Interview intéressante où Sophie Lacaze s’exprime sur son métier de compositrice :

https://www.stretta-music.fr/journal/portraits/vocation-compositrice-entretien-avec-sophie-lacaze

Et pour en savoir beaucoup plus sur Sophie Lacaze et sa musique, une seule adresse, son site internet : https://www.sophielacaze.com/

(Cet article a été relu (et amélioré) par Sophie Lacaze avant sa parution).

Bande dessinée, littérature

LES BIJOUX DE LA CASTAFIORE (1963), de HERGÉ.

Si vous avez lu mon article Hergé et l’opéra, vous connaissez déjà la présence de la musique dans l’œuvre d’Hergé, mais aujourd’hui, je voudrais revenir sur l’album les Bijoux de la Castafiore, qui présente le plus de référence à la musique dite classique.

Alors qu’au fil des aventures, le jeune reporter s’est déplacé partout sur Terre, du pays des soviets à l’Amérique, de l’Égypte au Pays de l’Or noir, en passant par l’Amérique du Sud, ou des pays d’un Balkan imaginaire. Il est même allé sur la Lune dans On a marché sur la lune.

Les Bijoux de la Castafiore, une de ses dernières aventures, se passe sans aucun voyage, dans le château de Moulinsart, propriété du capitaine Haddock. Et même pour Haddock, il passe une bonne partie de l’album cloué dans un fauteuil victime d’une entorse qui l’empêche de marcher.

Au début de cette aventure « immobile », Tintin et Haddock se promènent dans les bois quand ils voient un camp de romanichels. Tintin les invite à s’installer dans le parc du château, où ils seront mieux.

Mais une nouvelle tombe, sous la forme d’un télégramme. C’est la Castafiore qui s’invite, avec Igor Wagner, son pianiste, et sa camériste. Le nom d’Igor Wagner ne doit rien au hasard. Il est formé du prénom d’Igor Stravinky et du nom de Richard Wagner.

Cliquez sur le rossignol (pas milanais)
Cliquez sur l’image

La Castafiore, qui n’arrive pas à prononcer correctement le nom Haddock l’affuble d’à peu près plus ou moins ressemblants, dont un très musical Bartok ! Bien entendu, Bianca Castafiore, le rossignol milanais, ne manque pas de chanter le fameux « air des bijoux », extrait du Faust de Gounod.

Cliquez sur le rossignol milanais

La presse locale se fait l’écho de la présence de la cantatrice mondialement connue par ses rôles de Verdi, Rossini, Puccini, Gounid, euh, non Gounod ! Malheureusement, très vite des objets commencent à disparaître, ce qui nous vaut le récurrent « Ciel, mes bijoux » de la Castafiore, chaque fois qu’elle croit les avoir perdus. La police arrive, en la personne des Dupont Dupond. Et comme ils arrivent toujours trop tard, Haddock leur demande s’ils ont fait leur service chez les carabiniers d’Offenbach. Ceci est une allusion à l’opérette les Brigands, d’Offenbach, où les brigadiers chantent « Nous sommes, les carabiniers, la sécurité des foyers, mais par un malheureux hasard, nous arrivons toujours en retard ».

Cliquez sur les carabiniers

Une bonne partie de l’album est rythmé par les gammes du pianiste. Parmi les individus qui rôdent autour du château figurent des paparazzis, toujours à la recherche d’un scoop. Et c’est en lisant un journal relatant un concert à Milan où la Castafiore interprétait l’opéra de Rossini la Gazza ladra (la Pie voleuse), que Tintin trouve le fin mot de l’histoire.

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Attention spoiler, si vous ne voulez pas connaître le fin mot de l’histoire, arrêtez votre lecture ici ! Le voleur ne se trouve pas chez les romanichels, ce n’est pas non plus Igor Wagner malgré son comportement louche, c’est tout simplement une pie attirée par tout ce qui brille.

Écrivains, Compositrices, littérature, Théâtre

Alfred de MUSSET (1810 – 1857)

Alfred de Musset naît à Paris le 11 décembre 1810. Fils d’une famille aristocratique, il suit des études classiques, qui ne l’intéressent guère, et commence à écrire très tôt. En 1829, il publie son premier recueil de poésies, les Contes d’Espagne et d’Italie.

Fin 1830, Musset a donc 20 ans quand il publie sa première pièce de théâtre, la Nuit vénitienne. L’insuccès de cette pièce fera qu’il se bornera ensuite à écrire pour la Revue des deux mondes, sans chercher à faire représenter son œuvre. La Coupe et les Lèvres (1831), paru ainsi dans un Spectacle dans un fauteuil, le premier recueil de ces pièces, servira d’argument à Puccini pour son deuxième opéra, Edgar.

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En 1832, il écrit André del Sarte, qui sera adapté à l’opéra 150 ans plus tard par Daniel-Lesur, sous le titre Andrea del Sarto (1968).

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En 1833, Musset part à Venise avec son amante, George Sand, mais le couple ne dure pas longtemps, Alfred fréquentant les grisettes pendant que George est malade. Elle se réfugie alors dans les bras de son médecin alors qu’Alfred tombe malade à son tour. Il restera de cette liaison un des chefs-d’œuvre de Musset, Lorenzaccio (1834), écrit sur un texte aimablement fourni par Sand, ainsi que le roman autobiographique les Confessions d’un enfant du siècle (1836).

Auparavant, il avait écrit les Caprices de Marianne en 1833, qui fera l’objet d’une adaptation à l’opéra par Henri Sauguet en 1954.

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1834 est l’année d’On ne badine pas avec l’amour. Saint-Saëns écrira une musique de scène en 1917. C’est aussi l’année de Fantasio, qui sera mis en musique en 1872 par Offenbach, alors qu’Ethel Smyth écrira son premier opéra, Fantasio, en 1898.

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En 1835, c’est le Chandelier. Offenbach écrira une suite avec l’opéra-comique la Chanson de Fortunio (1861), et Messager Fortunio (1907).

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Musset se sépare définitivement de George Sand. Musset tombe amoureux d’une femme mariée. Leur liaison dure trois semaines, mais les deux êtres resteront amis pendant 22 ans. C’est chez elle qu’il rencontre une cousine, avec qui il entame une liaison durable, elle lui proposera même de l’épouser, mais Musset rencontre Pauline Viardot et se désintéresse de sa cousine. Pauline n’est pas intéressée par les amours du poète, mais a écrit de la musique sur ses textes.

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Entre-temps, il écrit les Nuits de 1835 à 1837, un recueil de quatre longs poèmes très représentatifs du romantisme à la française.

En 1845, Musset est nommé chevalier de la Légion d’honneur et en 1852, il entre à l’Académie française. Mais la santé de Musset, alcoolique et syphilitique décline.

En 1850, il écrit encore Carmosine, qui fera l’objet d’une mise en musique en 1907 par Henry Février et en 1928 par Ferdinand Poise.

Musset meurt de la tuberculose à Paris le 2 mai 1857, à l’âge de 46 ans.

Outre son théâtre, certaines poésies ont été également mises en musique. C’est le cas de Nous venions voir le taureau que Léo Delibes a transformé en les Filles de Cadix, alors que Lalo a composé les mélodies À une fleur, Chanson de Barberine et la célébrissime Ballade à la lune.

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(Source principale : Musset Théâtre complet, Gallimard, la bibliothèque de la Pléiade, 1934)