Après Apparition de Stéphane MALLARMÉ, je vous propose un autre poème traité à la sauce OuLiPo, choisi dans le riche corpus mallarméen. (Rappel du principe, je prends un poème parmi mes préférés, et j’illustre les images évoquées par ce poème par des citations musicales en rapport avec ces images.)
Aujourd’hui, donc, lisons « Renouveau », un poème de jeunesse (1866) écrit alors qu’après un hiver fécond (celui où il a commencé à travailler à Hérodiade), Mallarmé s’était trouvé en panne d’inspiration poétique.
Le printemps maladif a chassé tristement
l’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide,
Et dans mon être à qui le sang morne préside
L’impuissance s’étire en un long baillement
Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu’un cercle de fer serre ainsi qu’un vieux tombeau,
Et, triste, j’erre après un rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane
Puis je tombe énervé de parfums d’arbres, las,
Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,
J’attends, en m’abîmant que mon ennui s’élève…
Cependant l’Azur rit sur la haie et l’éveil
De tant d’oiseaux en fleur gazouillant au soleil.
Citations musicales :
Le printemps maladif : BERLIOZ La Damnation de Faust, « Le vieil hiver a fait place au printemps ».
Des crépuscules : Berlioz La Damnation de Faust, « Voici qu’au crépuscule ».
J’erre après un rêve : FAURÉ « Après un rêve » (mélodie).
Creusant de ma face un fosse : Thomas, Hamlet, « chant des fossoyeurs »
Oiseaux en fleur gazouillant au soleil : MESSIAEN Saint-François d’Assise « le prêche aux oiseaux ».