Après Le tombeau de Charles BAUDELAIRE, écrit par Stéphane MALLARMÉ à la mémoire de Baudelaire, je vous propose un autre poème traité à la sauce OuLiPo, choisi ici dans les poèmes de… Baudelaire (comme quoi le hasard fait parfois bien les choses).
(Rappel du principe, je prends un poème parmi mes préférés, et j’illustre les images évoquées par ce poème par des citations musicales en rapport [pour moi] avec ces images.)
Aujourd’hui, je vous propose donc un classique des classiques : L’Albatros.
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Citations :
Ce navire glissant sur les gouffres, ce peut être le Vaisseau fantôme (der fliegende Holländer) de Richard WAGNER, bateau condamné à errer sans fin dans la tempête, jusqu’à ce que son capitaine trouve l’amour absolu capable de le délivrer de sa malédiction.
Ce voyageur ailé m’évoque la Wanderer Fantasie (Fantaisie du Voyageur), de SCHUBERT, ce poète qui s’exprimait en musique et qui a traversé sa courte vie à peu près totalement incompris par ses contemporains.
Cet être comique et laid pourrait être Le Nain (der Zwerg) de ZEMLINSKY. Par jeu, on a fait croire à ce petit être difforme que la princesse, à qui il a été offert pour son anniversaire, pourrait être amoureuse de lui. L’opéra finira très mal pour lui et il meurt foudroyé par la vérité aux pieds de la princesse.
Le prince des nuées ! À l’acte V du King Arthur de PURCELL, l’enchanteur Merlin convoque Éole, le prince des nuées, pour calmer la tempête. Une île surgit des flots, Britannia !
L’archer peut-être Guillaume Tell, héros de l’opéra de ROSSINI.
Et puis quand il y a matière, il y a matière, alors pour célébrer le mois d’août qui commence, voici une deuxième lecture de l’Albatros de Baudelaire.
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Citations :
Ce navire glissant sur les gouffres pourrait être celui du général vénitien Otello rentrant après sa victoire sur les Turcs, et pris dans une tempête en arrivant à Chypre, dans l’opéra de VERDI.
Ce voyageur ailé m’évoque le Voyage d’hiver (Winterreise) de Schubert, ce poète qui s’exprimait en musique et qui a traversé sa courte vie à peu près totalement incompris par ses contemporains.
Cet être comique et laid, ce pourrait être Rigoletto, dans l’opéra de VERDI portant ce nom.
Le prince des nuées pourrait être Borée, le dieu du vent, dans les Boréades de RAMEAU. À la fin de l’acte III, Borée fait éclater sa fureur et provoque une tempête qui emportera la reine Alphise, qui dédaigne ses fils.
Et l’archer pourrait être Ulysse. Au deuxième acte du retour d’Ulysse dans sa patrie (Il Ritorno d’Ulisse in Patria) de MONTEVERDI, Pénélope, pressée par ses prétendants de choisir un nouveau mari, déclare qu’elle choisira celui qui saura bander l’arc d’Ulysse. Seul Ulysse, que personne n’a encore reconnu, réussit cet exploit et tue les prétendants.
Et en bonus, retrouvez l’albatros mis en musique par Ernest CHAUSSON.
Le voilà l’Albatros, joliment accommodé par tes soins. Tu excelles à ce petit jeu Jean-Louis.
Je reviendrai, le temps me manque pour tout écouter maintenant.
Bonne journée
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Oui, j’ai eu l’idée « d’accomoder » l’Albatros façon Oulipo en lisant ton récent billet, Régis.
Bonne journée à toi.
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Tu Oulipotes à merveille…
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Re Bon jour Jean-Louis,
Quelles connaissances et ce travail de recherche pour nous apporter un éclairage et des découvertes musicales …
J’ai écouté Sabine Revault d’Allonnes … une belle voix posée …
Merci pour ce partage.
Bonne journée à toi, Jean-Louis
Max-Louis
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J’ai été interrogée sur « L’albatros » à l’oral du bac de français et j’ai eu une très bonne note!
Là on a droit a un très large choix d’illustrations pour ce beau poème!
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Félicitations pour ta très bonne note, Marie-Christine. 😉
J’adore me livrer à ces lectures « peu académiques » des poèmes que j’aime…
Bonne soirée.
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Jean-Louis, each penning is a masterpiece of the written word. Absolutely superb, my friend. Blessings.
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Pas mal. j’aime beaucoup ce poème.
Après si tu es à court d’inspiration (je plaisante), je te propose « El Desdichado ». Je pense qu’il y a vraiment matière à illustration sonore.
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El Desdichado, yaka demander ! 🙂
https://toutloperaoupresque655890715.com/2019/03/19/el-desdichado/
C’était mon premier billet « oulipien ».
Bonne journée John DUFF (ça a été le vélo ?)
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Très beau billet, Jean-Louis, et en plus tu nous gâtes avec cette double interprétation de l’albatros !
Je suis toujours sensible à Brendel dans Schubert, et au Voyage d’hiver que j’écoute très souvent …
Merci de m’avoir fait découvrir ce triste nain, la musique et l’histoire semblent très émouvantes.
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Merci Marie-Anne.
Je te souhaite une bonne journée.
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Je vais faire court ici, mais j’enregistre ce billet aussi. A plus tard. En attendant bon appétit 😉
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Merci, bon appétit à toi zaussi !
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L’albatros est un peu à l’image de l’homme. Il peut voler, monter haut dans le ciel et être très maladroit sur la terre ferme.
Belle soirée Jean-Louis
John
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À travers l’albatros, si gauche quand il est dans la société des hommes, je pense que c’est bien le statut du poète, capable de voler si haut en pensée, mais si risible quand il redescend sur le plancher des vaches, que Baudelaire soulignait.
Bonne soirée à toi, John.
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C’est très bien vu aussi Jean-Louis. Cela peut-être aussi l’adolescent dont le corps change et qui se trouve maladroit parmi les adultes…
Amitiés
John
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