Divers, histoire, Mythologie

LES TRILOGIES DE L’OPÉRA

De nombreux compositeurs ont composé des trilogies, soit un ensemble de trois œuvres liées entre elles par un point commun, dates de composition, sujet ou librettiste.

Par exemple, pour Mozart, on parle souvent de la trilogie Mozart / Da Ponte. Il s’agit des trois opéras que Mozart a composés sur des livrets de Lorenzo da Ponte, à savoir Les Noces de Figaro (1786), Don Giovanni (1787) et Cosi fan Tutte (1789). Trois chefs-d’œuvre en quatre ans.

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Quelques années plus tard, Donizetti écrira ce que l’on appelle la trilogie des Tudors, d’après les heurs et malheurs de la famille royale anglaise : Anna Bolena (1830), Maria Stuarda (1834), et Roberto Devereux (1838).

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Ce que l’on appelle la trilogie de Verdi correspond à Rigoletto (1851), La Traviata (1853) et Le Trouvère (1853). Trois chefs-d’œuvre en trois ans, Mozart est battu !

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À la même époque, le grand rival de Verdi, Wagner, commençait sa trilogie avec prologue, peut-être plus connue sous le nom de tétralogie : l’Or du Rhin (1854), la Walkyrie (1855), Siegfried (1856-1871) et enfin le Crépuscule des dieux (1874).

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Enfin, Puccini a écrit ce que l’on appelle son triptyque (il Trittico), à savoir un ensemble de trois pièces en un acte : Il Tabarro, Suor Angelica et Gianni Schicchi en 1918.

Mes opéras préférés, Mythologie

ALCESTE, de LULLY (1674)

Avant d’être un gros garçon qui passe son temps à manger des tartines beurrées dans Le Petit Nicolas de Sempé et Goscinny, Alceste a été une des tragédies lyriques fondatrices de l’opéra français, écrite en 1673 par Lully, sur un livret de Quinault. C’est la deuxième collaboration de Lully et Quinault. Alceste a été créé le 19 janvier 1674 à l’Académie Royale de Musique.

Le pitch : Alcide aime Alceste. Par amour, Alceste donne sa vie pour Admète. Alcide va la chercher aux Enfers. Ému par les retrouvailles d’Alceste et Admète, Alcide renonce à Alceste, qui se marie avec Admète.

Prologue : La nymphe de la Seine se languit du Héros, parti à la guerre. La gloire arrive, précédant le Héros (comprendre le roi, Louis XIV). Tout le monde se réjouit, et les Plaisirs préparent un divertissement pour fêter le retour du Héros. Ce sera Alceste.

Acte I : Dans la ville d’Yolcos, en Thessalie. Alors que le chœur de Thessalie chante les noces d’Alceste et d’Admète, leur roi, Alcide confie à Lycas qu’il ne peut s’en réjouir, car il aime Alceste. Straton, confident de Lycomède, et Lycas se disputent les faveurs de Céphise, confidente d’Alceste. Céphise confirme à Straton que c’est Lycas qu’elle aime, mais elle réclame de pouvoir être inconstante. (Duo : « il faut aimer / changer toujours ».)

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Lycomède, roi de Scyros et frère de Thétis, se désole d’avoir perdu Alceste. Il profite d’une grande fête marine que l’on donne à l’occasion du mariage pour enlever Alceste sur son bateau, aidé de Thétis qui soulève les flots. Mais Éole calme les flots pour permettre à Admète et Alcide de poursuivre Lycomède.

Acte II : Dans la ville de Scyros, Céphise prétend regagner l’amour de Straton, tandis que Lycomède tourmente Alceste. Admète et Alcide font le siège de la ville et la prennent. Alcide libère Alceste, qui cherche à le retenir quand il veut partir. (Duo « Alceste, vous pleurez / Admète, vous mourez »).

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À son départ, Alceste et Céphise se mettent à la recherche d’Admète, mais ils le trouvent mourant. Apollon a reçu du Destin le pouvoir de le rendre à la vie, s’il se trouve quelqu’un pour lui offrir sa mort.

Acte III : Devant un autel vide, où doit paraître l’image de celui qui se sacrifiera pour Admède, Phérès et Céphise discutent. Phérès se trouve trop vieux pour mourir, et Céphise trop jeune. Soudain, le chœur chante le sort heureux d’Admète, guéri.  Mais quand Admète regarde vers l’autel qui s’est dévoué, c’est l’image d’Alceste qu’il découvre. Admète a perdu Alceste en regagnant la vie. Suit une cérémonie funèbre en hommage à Alceste. Alcide, qui s’apprêtait à partir, décide d’aller chercher Alceste en enfer si Admète la lui cède. Admète accepte.

Acte IV : Aux enfers, Caron pousse sa barque sur l’Achéron, pour faire passer les âmes dans le royaume des morts (Air : il faut passer tôt ou tard …). Alcide saute dans la barque.

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Les suivants de Pluton se réjouissent de l’arrivée d’Alceste (Chœur « Tout mortel doit ici paraître ».)

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Au palais de Pluton, Pluton et Proserpine célèbrent l’arrivée d’Alceste dans ce lieu apaisé. Alecton les prévient qu’un mortel s’attaque à l’empire des morts. Alcide déclare en arrivant qu’il ne vient pas en ennemi, mais que son amour le pousse à venir rechercher Alceste. Pluton et Proserpine, émus par cet amour si fort, permettent à Alceste de ressortir. Alcide et Alceste remontent vers le monde des vivants sur le char de Pluton.

Acte V : Devant un Arc de Triomphe dressé pour recevoir Alcide, les peuples de la Grèce célèbrent Alcide, vainqueur du trépas. Lycas libère Straton, pour que Céphise choisisse entre eux. Céphise choisit de ne pas choisir. Pour aimer toujours, il faut ne se marier jamais. Admète et Alceste se retrouvent, mais leur amour est toujours aussi fort. Alors qu’Admète se retire et qu’Alceste offre sa main à Alcide, Alcide renonce à Alceste : le vainqueur des tyrans ne doit pas être tyran à son tour. Apollon descend en compagnie des Muses et des Jeux pour célébrer le bonheur d’Admète et d’Alceste, et le triomphe d’Alcide.

(Source principale : les représentations du Théâtre des Champs-Élysées de 1991 et le programme associé.)

Mes opéras préférés, Mythologie

FREITAG AUS LICHT, de STOCKHAUSEN (1991-1994)

Cinquième journée de l’heptalogie Licht, de Karl Heinz Stockausen, Freitag a été écrit entre 1991 et 1994, et créé à Leipzig le 12 septembre 1996.

Freitag (vendredi) est le jour de la tentation d’Eva (Ève) par Luzifer (Lucifer).

L’articulation musicale et dramatique se fait selon douze « scènes de son » et dix « scènes réelles ».

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Freitag-Gruss (Salut de vendredi) : Le public entre dans l’Opéra alors que se joue déjà « Weltraum », musique électronique qui l’accompagnera pendant toute la durée de l’opéra.

Acte I : Scène de son 1 – entrée du couple Femme / Homme.

Scène de son 2 – entrée du couple Chatte / Chien.

Scène réelle 1 – 1ère rencontre entre Eva et Ludon. Ludon propose à Eva de céder à son fils, Kaïno, et de procréer avec lui. Ils décident de se revoir et de se présenter leurs enfants respectifs.

Scène de son 3 – entrée du couple Photocopieuse / Machine à écrire.

Scène réelle 2 – Orchestre d’enfants. Eva arrive avec ses enfants, accompagnés par Elu (Cor de basset) et Lufa (Flûte). Ludon arrive avec ses enfants. Eva dirige son orchestre d’enfants qui entonne joyeusement des voyelles pour les enfants de Ludon, qui s’en amusent.

Scène réelle 3 – Chœur d’enfants. Les enfants de Ludon répondent en faisant de la musique à leur tour, accompagnés par Synthibird. Chaque enfant joue un solo gestuel et vocal. À la fin, Ludon propose que tous les enfants se produisent ensemble.

Scène réelle 4 – Tutti d’enfants. Eva et Ludon chantent ensemble, accompagnés par Elu, Lufa et Synthibird. Ils tentent de diriger l’orchestre d’enfants, mais rien ne se passe. Ludon propose à Eva de diriger seule, ce qu’elle fait.

Scène de son 4 – entrée du couple Voiture de course / Pilote de course.

Scène de son 5 – entrée du couple Flipper / Joueur de flipper.

Scène de son 6 – entrée du couple Ballon de football / Jambe avec chaussure de football.

Scène réelle 5 – Consentement. Ludon attend Eva, qui apparaît mystérieusement. Ludon lui présente un talisman et lui propose de s’unir à son fils, pour contribuer à l’amélioration de l’humanité. Eva accepte et lui rend son talisman. Ils se séparent.

Scène de son 7 – entrée du couple Lune avec un petit hibou / Fusée.

Acte II :

Scène réelle 6 – Chute. Kaïno, au bord d’un lac, attend Eva. Celle-ci arrive sur une barque, en descend, et s’approche de lui. Ils s’étreignent en chantant doucement, accompagnés par le cor de basset et la flûte. Puis Eva repart, et on entend la voix de Michaël qui cire « Eva, nos enfants ! »

Scène de son 8 – entrée du couple Bras nu / Main tenant une seringue. À partir de cette scène, qui suit la fracture du couple Eva / Adam, les couples voisins changent de partenaires

Scène de son 9 – entrée du couple Taille-crayon électrique / Crayon.

Scène réelle 7 – Guerre des enfants. Les enfants d’Eva et de Ludon se battent dans une guerre atroce. Un rhinocéros ailé, chevauché par quatre garçons, attaque les enfants d’Eva. Eva, en lévitation, tente de les protéger, mais les enfants de Ludon remportent le combat.

Scène de son 10 – entrée du couple Bouche de femme / Cornet de glace.

Scène de son 11 – entrée du couple Violon / Archet.

Scène réelle 8 – Repentir. Eva, Elu et Lufa sortent du lac. Eva s’agenouille à l’endroit où elle s’est accouplée avec Kaïno et chante une prière. Son maître Michaël et son mari apparaissent, avant que les trois ne disparaissent.

Scène de son 12 – entrée du couple Nid / corbeau.

Scène réelle 9 – Elufa. Elu et Lufa jouent de leurs instruments devant les douze couples, fascinés. Lufa leur demande : « Vous repentez-vous tous ? » ce à quoi ils répondent « Oui, nous nous repentons ». La lumière s’éteint.

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Scène réelle 10 – Spirale de chœur. Après le départ d’Elu et Lufa, les couples s’unissent en une déclinaison de lumière, comme la flamme d’une bougie. Cette flamme s’élève dans un mouvement en spirale, jusqu’à disparaître dans l’au-delà.

Adieu de Vendredi. La musique électronique est diffusée dans la salle et le foyer de l’opéra pendant que le public sort.

(Source principale : les représentations de l’Opéra de Lille en 2022 et le programme associé.)

Compositeurs, Compositrices, Mythologie

Darius MILHAUD (1892-1974)

Darius Milhaud est né à Marseille le 4 septembre 1892. Ses parents sont musiciens amateurs et Darius montre vite des dispositions pour la musique. En 1909, il étudie au Conservatoire de musique de Paris, où il a comme professeur Charles-Marie Widor et Paul Dukas. Il se lie d’amitié avec Georges Auric et Arthur Honegger

En 1912, il rencontre le poète Francis Jammes et le dramaturge Paul Claudel, écrivains qu’il mettra en musique. Il compose notamment des musiques de scène pour la traduction par Claudel de l’Orestie d’Eschyle.

Milhaud l'Orestie AgamemnonCliquez sur Agamemnon

Milhaud l'Orestie les ChoéphoresCliquez sur les Choéphores

Milhaud l'Orestie les EuménidesCliquez sur les Euménides

Quand Claudel est nommé diplomate à Rio de Janeiro, en 1917, il propose à Milhaud de le suivre en tant que secrétaire. C’est l’occasion pour Darius de découvrir les rythmes sud-américains, qu’il intègre à ses ballets l’Homme et son désir (1917), sur un argument de Claudel, et le Bœuf sur le toit.

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À son retour à Paris en 1918, on l’intègre au Groupe des Six, aux côtés de Georges Auric, Germaine Tailleferre, Francis Poulenc, Louis Durey et Arthur Honnegger. En 1921, il collabore ainsi aux Mariés de la tour Eiffel, une œuvre commune à ce groupe sur un texte de Cocteau.

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En 1920, le même Cocteau avait détourné Le bœuf sur le toit de Darius Milhaud, souvenirs musicaux de son passé au Brésil, en déposant un texte sur cette musique. Les décors étaient de Raoul Dufy et la chorégraphie de Massine.

La dernière œuvre de Cocteau pour les Ballets russes est le Train bleu (1924), toujours avec une musique de Milhaud.

Milhaud le Train bleu
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En 1925, Darius se marie avec une de ses cousines, Madeleine Milhaud. Ils auront un fils, Daniel.

En 1930, Milhaud compose l’opéra Christophe Colomb, sur un texte de Claudel.

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En 1933, Milhaud écrit deux chansons pour Madame Bovary, de Flaubert.

En 1939, il s’empare du mythe de Médée dans un opéra qui porte ce nom.

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En 1940, Milhaud doit fuir la France occupée, sous le double titre de Juif et de compositeur de musique dégénérée. Il part donc aux États-Unis où il enseigne la musique à l’université d’Oakland en Californie. Parmi ses élèves, on trouve Burt Bacharach, ou les minimalistes Steve Reich et Philip Glass.

En 1947, à son retour en France, Milhaud est nommé professeur au Conservatoire de musique de Paris, tout en gardant son activité d’enseignant aux États-Unis. À Paris, il aura comme élève notamment Betsy Jolas.

En 1958, Boris Vian écrit Fiesta une comédie-musicale avec une musique de Darius Milhaud.

La mère coupable (1792), la troisième pièce de la trilogie de Figaro formée par le Mariage de Figaro et le Barbier de Séville de Beaumarchais, est adaptée à l’opéra en 1966 par Darius Milhaud.

Milhaud La Mère coupable
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Darius Milhaud meurt à Genève le 22 juin 1974, à l’âge de 81 ans.

Mythologie

LES VENGEANCES DE JUNON

J’ai déjà consacré des articles à Jupiter, et à ses différentes aventures amoureuses, mais aujourd’hui, c’est à sa femme Junon, l’éternelle épouse trompée que je vais m’intéresser. Et comme Junon était une déesse, nous allons voir quelles vengeances terribles elle réservait aux conquêtes de son époux. Les aventures de Jupiter et Junon ont été relatées par Ovide dans ses Métamorphoses.

La première apparition de Junon dans un opéra se trouve dans Le Retour d’Ulysse dans sa patrie (1640), de Claudio Monteverdi. Sur la mer, les dieux discutent du sort d’Ulysse : Junon demande à Jupiter qu’Ulysse puisse retrouver la paix, mais il faut d’abord que Neptune calme son courroux. Neptune accepte.

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Dans le livre II des Métamorphoses, Ovide nous raconte l’histoire de la nymphe Callisto, une suivante de Diane. Jupiter en tombe amoureux en la voyant et la viole. Callisto est alors chassée par Diane quand celle-ci s’aperçoit qu’elle n’est plus vierge et la malheureuse nymphe finira par être transformée en ourse par Junon.

La Calisto est un opéra de Cavalli créé à Venise en 1651.

Cavalli Calisto
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Cavalli a récidivé en 1660 avec Ercole amante. Émue par les plaintes d’Hercule, Vénus lui promet de l’aider dans ses amours. Junon, qui a tout entendu, est furieuse et décide de contrarier les amours d’Hercule (Air : « E vuol dunque ciprigna ».)

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Après Cavalli vient Lully qui a écrit en 1687 Isis, toujours d’après les Métamorphoses. On y apprend que Junon, jalouse de Io courtisée par Jupiter, poursuit celle-ci jusqu’à l’embouchure du Nil. Jupiter demande alors à Junon de l’épargner, ce qu’elle accepte de faire en la transformant en déesse. Dès lors, Io s’appellera Isis et sera vénérée par les Égyptiens. Il y a dans Isis un très bel air tremblé « Hiver qui nous tourmente ».

Lully ISIS Hiver qui nous tourmente
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Une autre victime de la jalousie et de la vengeance de Junon est Sémélé, la fille du roi Cadmios. Jupiter étant tombé amoureux de Sémélé, Junon prend l’apparence de sa nourrice Béroé, et conseille à la malheureuse de demander à Jupiter de se montrer à elle sous sa forme divine. C’est bien évidemment plus que ne peut en supporter la créature humaine, qui est brûlée vive à la vue de son divin amant. Cette légende a été abondamment mise en musique, notamment par Haendel dans son « operatorio » Sémélé (1744).

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Dans Platée (1745) de Rameau, c’est Jupiter qui, lassé de la jalousie de Junon, joue un tour à sa femme, en faisant semblant de tomber amoureux d’une nymphe des marées à l’apparence de grenouille.

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On retrouve Junon au XIXe siècle dans La belle Hélène (1864), d’Offenbach : Sparte s’apprête pour les fêtes d’Adonis. On célèbre Vénus, qui a battu Junon et Minerve dans le concours de beauté du mont Ida, grâce au berger Pâris.

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Et au XXe siècle dans Les mamelles de Tirésias, de Guillaume Apollinaire. On dit que Jupiter prétendait que les femmes connaissaient plus de jouissance que les hommes durant l’amour, et Junon prétendait le contraire. Ils ont fait appel au devin Tirésias qui, ayant été transformé en femme pendant sept ans, était seul à même de répondre à cette question. Tirésias ayant pris le parti de Jupiter, Junon furieuse le rendit aveugle, mais Jupiter amoindrit la peine en lui accordant le don de connaître l’avenir. Francis Poulenc a mis en musique ces Mamelles de Tirésias.

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Mes opéras préférés, Mythologie

ERCOLE AMANTE, de CAVALLI (1660)

Ercole amante (Hercule amoureux), de Cavalli, est le fruit d’une commande de Mazarin à l’occasion du mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne Marie-Thérèse d’Autriche. Pour la production de cet opéra, forcément spectaculaire, une nouvelle salle, la « Salle des machines », dotée d’une machinerie phénoménale, devait être construite au Palais des Tuileries. Malheureusement, les travaux de la Salle des Machines n’ont pas été terminés à temps, et c’est un autre opéra de Cavalli , Il Xerse, qui a été monté à la place, dans la grande galerie du Louvre, avec un ballet réglé par Lully, qui n’était encore que maître de ballet. Finalement Ercole amante fut donné devant plus de 7 000 spectateurs le 7 février 1662 dans le nouveau théâtre enfin terminé.

Le livret d’Ercole amante a été repris par Antonia Bembo en 1707.

Comme l’étiquette le voulait, le prologue est dédié aux louanges adressées au Roi.

Prologue : Un chœur de quatorze fleuves (!) chante la gloire du jeune Louis XIV, et en quoi son mariage avec Marie-Thérèse va amener la paix et la prospérité sur l’Europe.

Acte I : Hercule, déjà marié à Déjanire, se désole de la froideur de Yole, qu’il a enlevée par amour (non sans avoir au passage tué son père) (Air : « Come si beffa amor ».)

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Il invoque Cupidon quand Vénus descend du ciel, accompagnée des Grâces.

Émue par les plaintes d’Hercule, elle lui promet de l’aider dans ses amours. Junon, qui a tout entendu, est furieuse et décide de contrarier les amours d’Hercule (Air : « E vuol dunque ciprigna ».)

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Acte II : Illus, le fils d’Hercule, et Yole se déclarent leur amour quand un page vient informer la jeune fille qu’Hercule lui donne rendez-vous au jardin des Fleurs. Illus est jaloux. Le page se demande ce qu’est ce fameux amour, qui agite tout le monde, et qu’il ne connaît pas. Croisant Lychas, un serviteur de Déjanire, il laisse échapper le secret du rendez-vous galant d’Hercule.

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Lychas court le dévoiler à sa maîtresse, qui se plaint (Air : « Misera, ohimé, ch’ascolto ».)

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Dans la grotte du Sommeil, Pasithaée veille sur le Sommeil avec le chœur des zéphyrs et des ruisseaux. Pour faire échouer le projet D’Hercule, Junon s’empare du Sommeil.

Acte III : Vénus assure Hercule de son aide, et lui conseille d’obtenir le fruit de ses désirs « par fraude ou par consentement ». Le tout puissant Hercule avoue qu’il perd ses moyens face aux mystères de l’amour. Le page annonce l’arrivée d’Yole et d’Illus, mais laisse échapper que les deux jeunes gens s’aiment, ce qui trouble Hercule.

Quand Yole arrive, accompagnée d’Illus, elle commence par se révolter véhémentement avant que de subir les charmes de Vénus et de faire à Hercule une déclaration d’amour. Illus est très surpris et révèle à son père son amour pour Yole. Celui-ci chasse son fils.

Junon arrive avec le Sommeil dans son char et endort Hercule. Yole se trouve délivrée du charme de Vénus. Junon lui donne une épée pour qu’elle puisse venger le meurtre de son père mais Illus voyant cela la désarme. Mercure vient réveiller Hercule qui, voyant son fils avec une épée, croit qu’il en veut à sa vie. Yole s’accuse quand Déjanire arrive avec Lychas. Hercule veut condamner son fils à mort, mais Yole réussit à le faire changer d’avis en lui disant que ses sentiments pourraient changer s’il épargne Illus. Déjanire et Illus se lamentent sur la cruauté d’Hercule (duo : « Figlio, tu progionerio ».)

Cliquez sur Déjanire et Illus

L’acte se termine par les propos du page et de Lychas sur la folie qui frappe les hommes amoureux.

Acte IV : Illus en prison souffre de jalousie quand le page arrive en barque et lui apprend que Yole s’est mariée avec Hercule (Déjanire a été exilée). Une tempête se lève et Illus se jette à la mer. Junon demande à Neptune de sauver Illus, ce qu’il fait. Junon se réjouit d’avoir contrarié les plans de Vénus.

Dans son exil, Déjanire songe à se suicider.

Yole se recueille devant la tombe de son père. La tombe s’effondre, et le spectre du père dit sa colère de voir Yole mariée avec Hercule (qui, rappelons-le, l’a tué.) Déjanire annonce qu’elle a vu Illus se jeter à la mer. Lychas lui conseille de donner à Hercule la tunique du centaure Nessus, tué par Hercule, revêtue d’un onguent pour faire de lui un mari fidèle.

Cliquez sur le chœur des enfers

Acte V : Aux enfers, les rois qui ont été victimes d’Hercule complotent contre le héros.

Hercule s’apprête pour ses noces avec Iole quand Lychas lui remet la tunique de Nessus. Hercule la revêt, et meurt dans des souffrances atroces, car elle était empoisonnée. Déjanire comprend la vengeance du centaure. Elle veut mourir quand survient Illus, qui tombe dans les bras de sa mère et de sa fiancée. Junon est contente.

Elle annonce qu’Hercule mort est monté au ciel, où Jupiter l’a marié avec la Beauté. Yole, Illus et Déjanire remercient Vénus.

Hercule apparaît dans le ciel avec la Beauté. Le chœur des Planètes chante la récompense accordée à la Vertu, et annonce qu’un nouvel Hercule, Louis XIV, va bientôt se marier avec la Beauté, Marie-Thérèse.

(Source principale : la production de l’opéra d’Amsterdam de 2009, et le DVD associé.)

Divers, Mythologie, Sciences

ASTRONOMIE ET MUSIQUE

L’idée de cet article m’est venue en visitant récemment l’observatoire de l’Université catholique de Lille, observatoire qui vient d’être rénové et ouvert au public.

Dans la mythologie, il n’était pas rare que les héros finissent leur carrière au ciel, sous forme d’étoile ou de constellation. Et la mythologie ayant servi de sujet à de nombreux opéras, beaucoup de ces œuvres finissent en apothéose.

En 1737, Jean-Philippe Rameau met en musique le destin des frères jumeaux Castor et Pollux. À la fin de l’histoire, Jupiter, ému par le dévouement fraternel des frères jumeaux, leur réserve une place dans le ciel, où ils constituent la constellation des Gémeaux.

Cliquez sur les Gémeaux

Orion était un chasseur géant et redoutable. Artémis s’intéressait à lui, mais Apollon, le frère d’Artémis, craignant pour sa sœur, s’arrangea pour le faire mourir d’une flèche de la chasseresse. Quand elle comprit qu’elle venait de tuer Orion, elle le plaça dans le ciel, en compagnie de ses chiens, Sirius et Procyon. Le ciel d’hiver se caractérise dans l’hémisphère Nord par la constellation d’Orion, et par une étoile très brillante, Sirius.

Le mythe d’Orion a inspiré bien des compositeurs, de Louis de La Coste en 1728

de La Coste Orion

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à Kaija Saariaho en 2002.

Saariaho OrionCliquez sur les percussionnistes

Cassiopée était une reine d’Égypte punie par les dieux à tourner autour de la Grande Ourse. Cassiopée est une constellation assez facile à repérer, à cause de sa forme de « W ». Sa fille Andromède s’est mariée à Persée. Après sa mort, Athéna l’a fait monter au ciel, sous la forme d’une constellation. Andromède est le nom d’un des poèmes symphoniques d’Augusta Holmès.

Cliquez sur Andromède

À la fin de sa vie de héros, Hercule monte au ciel et veille sur nous pour l’éternité, dans la constellation qui porte son nom. Quand elle apprend sa mort, sa femme Déjanire se rendant compte qu’elle est coupable de la mort de son mari sombre dans la folie. Haendel a écrit Hercules.

Cliquez sur Déjanire sombrant dans la folie

Ganymède est un des quatre satellites de Jupiter. Ganymède était un jeune berger, le plus beau de tous les jeunes gens. Quand Zeus (Jupiter) le voit, il se transforme en aigle pour l’enlever et le conduire au mont Olympe. Là, amant de Zeus, il devient échanson des dieux. Goethe a raconté son destin dans un de ses poèmes, mis en musique par Schubert.

Cliquez sur Ganymède

Bien entendu, l’observation astronomique ne se limite pas aux étoiles. On peut aussi regarder les planètes. Je vous propose donc ici une nouvelle planète mise en musique par Holst.

Cliquez sur Jupiter
Divers, Géographie, histoire, Mythologie

PHÉNICIE… AUSSI !

La Phénicie est un pays de l’antiquité, plutôt discret, et qui s’est trouvé coincé entre divers empires. Son origine historique le situe à la place de l’actuel Liban, avec quatre villes sur la côte est de la Méditerranée, Tyr, Sidon, Beyrouth et Byblos.

Les Égyptiens, qui adoraient les dieux Osiris et Isis, allaient chercher dans cette région, qui ne s’appelait pas encore la Phénicie, des bois durs pour fabriquer des barques funéraires pour leurs dieux.

Cliquez sur Zarastro

On a ainsi la trace du pharaon Akhénaton (Akhnaten) qui envoie chercher du bois de cèdre. La vie d’Akhénaton a fait l’objet d’un opéra de Philipp Glass en 1983.

Cliquez sur Akhénaton

Le futur territoire de la Phénicie se trouve coincé entre les Hittites et les Égyptiens, et quand vers l’an 1000 av. J.-C. ces empires s’effondrent, les cités phéniciennes apparaissent et se développent. Malheureusement, les empires se suivent et se ressemblent. C’est au tour des Assyriens (correspondant à l’actuel Irak) de se tourner vers la Méditerranée et de « coloniser » les Phéniciens.

Vers 900 av. J.-C., les Phéniciens, qui sont de bons marins, partent vers l’ouest jusqu’à Chypre, puis la mer Égée, puis la Sicile, Carthage et vont même jusqu’à la côte atlantique, où ils fondent la ville de Cadix.

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Dès lors, on appelle les Phéniciens de l’ouest les Puniques (comme les guerres du même nom.) Ils établissent des comptoirs commerciaux et recherchent des matières premières.

Vers 600 av. J.-C. la Phénicie se trouve à nouveau prise entre deux empires, les Égyptiens et les Babyloniens de Nabuchodonosor. Après sa victoire, Nabuchodonosor déporte les élites phéniciennes à Babylone, comme il le fera avec les Hébreux.

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Quand arrive le tour d’Alexandre le Grand, la Phénicie change à nouveau d’occupants.

Lorsque l’Empire romain s’étend, il intègre la Phénicie à la province de Syrie. Le contrôle de la Sicile sera l’occasion des guerres puniques, qui opposeront Carthage et Rome.

Le soulèvement des barbares employés par Carthage lors de la 1re guerre punique fournira à Flaubert le sujet de son roman épique Salammbô.

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Après la 3e guerre punique, Rome crée le royaume numide (il ne faut jamais parler sèchement à un Numide) et rase Carthage, marquant ainsi la fin du royaume punique.

Parmi l’héritage que nous ont laissé les Phéniciens, il y a l’invention de l’alphabet, par imitation/déformation de hiéroglyphes. Mozart le savait-il quand il a écrit son abécédaire ?

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Cinéma, Divers, Mythologie

LES OPÉRAS PEPLUMS

À l’occasion de la production de Polifemo de Porpora à l’opéra de Lille, le metteur en scène avait transposé l’action dans le monde du cinéma hollywoodien des années 50, lors du tournage d’un peplum. Mais qu’est-ce qu’un peplum ? À l’origine, dans l’antiquité grecque, le peplum était une espèce de toge qui s’agrafait à l’épaule.

Depuis le XXe siècle, un autre sens du mot peplum est apparu pour désigner des films à grand spectacle s’inspirant de l’antiquité, et pour lesquels les acteurs portaient des peplums.

Je vous propose ici une petite sélection d’opéras peplums :

Sans grande surprise, le XVIIIe siècle regorge d’opéras de cette catégorie. Ainsi en 1723, Haendel écrit Jules César en Égypte.

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En 1734, c’est son contemporain Vivaldi qui écrit cette amusante Olimpiade.

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Parmi les héros ayant inspiré un grand nombre de peplums figure Hercule. On le trouve aussi au générique de bon nombre d’opéras, dont le Hercules (1744) de Haendel.

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Une génération plus tard, c’est Gluck qui s’affrontera à l’antiquité, avec par exemple son Iphigénie en Tauride (1779).

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Faisons encore un bond d’une génération pour retrouver Méhul et sa Légende de Joseph en Égypte (1807).

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Au siècle suivant, Verdi sacrifiera par deux fois au peplum. Une première fois avec Nabucco (1841).

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Une seconde fois trente ans plus tard avec Aïda, créé en 1872.

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Entre ces deux dates, Offenbach a frappé, pour notre plus grand bonheur avec une relecture de la figure mythologique d’Orphée dans Orphée aux enfers (1858).

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Et une seconde fois avec sa Belle Hélène en 1864.

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Saint-Saëns, lui, nous propose Samson et Dalila (1877).

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Au XXe siècle, on trouve encore des opéras peplums avec par exemple l’Œdipe d’Enesco.

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Ou Britten et son Viol de Lucrèce.

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Mes opéras préférés, Mythologie

MONTAG AUS LICHT, de STOCKHAUSEN (1984-1988)

Licht (Lumière), de Karlheinz Stockhausen, est certainement le projet le plus ambitieux jamais pensé pour l’opéra. En effet, il s’agit d’un cycle de 7 pièces musicales destiné à être joué en 7 jours. Ce cycle n’a à ce jour encore jamais été représenté sous cette forme voulue par l’auteur, même si chaque pièce a été créée de manière individuelle.

Dans Licht, on rencontre 3 forces s’affrontant à l’échelle de l’univers.

Ève, représente l’Esprit-Mère cosmique, mais aussi la séductrice, Marie, la mère de Jésus ou encore Inanna, la déesse sumérienne de la sensibilité de la fertilité et de la procréation, et aussi Lilith, Aphrodite ou Vénus.

Michaël est le créateur du cosmos. Comme Jésus, Michaël devient homme pour naître d’une mère. C’est aussi l’archange qui terrasse le dragon. Son royaume est une galaxie autour du feu central de Sirius.

Lucifer est l’antithèse de Michaël. C’est celui qui nie, qui représente le principe de destruction. Il se moque de son frère Michaël, qu’il tient pour un avorton.

Les deux frères s’affrontent au niveau de l’univers alors qu’Ève cherche à les réconcilier.

La première journée de Licht, Montag aus Licht, est le lundi, Montag, le jour de la lune. Dans beaucoup de mythologies, la lune est associée à la fécondité. Montag aus Licht est donc la première journée du cycle, et c’est aussi le jour d’Ève. C’est une « cérémonie musicale de vénération de la mère », une « célébration de la naissance et de la renaissance de l’humanité ». Stockhausen n’avait pas écrit ces journées dans l’ordre, et il s’agit de la troisième qu’il a composée.

Acte I : Premier enfantement d’Ève.

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Dans la scène 1, on assiste à la naissance de 7 créatures intermédiaires, entre l’animal et l’homme, et celui de sept nains avec barbe et chapeaux pointus. La jeune mère est célébrée par deux Airs de naissance (scène 3), avant le Cri des garçons (scène 4). Ces naissances provoquent la Colère de Lucifer qui insulte l’humanité (scène 5).

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Suivent les grandes lamentations, musique de larmes, pluie de l’âme (scène 6).

Acte II : Deuxième enfantement d’Ève.

L’acte commence par une procession de jeunes filles (scène 1). Après la fécondation (scène 2), sept garçons naissent l’un après l’autre, représentant chaque jour de la semaine (scène 3 : Re-naissance). Ils sont tous musicalement doués. Arrive Cœur de basset (par analogie avec l’instrument appelé Cor de basset) (scène 4 Chant d’Ève). Cœur de basset apprend la musique aux garçons, car « seule la musique peut sauver le monde ».

Acte III : Magie d’Ève.

Message (scène 1). Ève, représentée par Cœur de basset se regarde, penseuse, dans le miroir et demande « Miroir, mon cher miroir, dis-moi qui est la plus belle ». Des femmes arrivent, annonçant la venue d’un musicien d’une grande beauté. C’est Ave, un double inversé d’Ève (Ève se dit Eva en allemand), joueuse de flûte. Les deux faces d’Ève, Cœur de basset et Ave jouent ensemble amoureusement.

Le charmeur d’enfants (scène 2). Des enfants, attirés par Ave, arrivent, et le joueur de flûte leur apprend à son tour sa musique, qu’ils jouent en imitation. Ave a de plus en plus d’emprise sur les enfants et petit à petit les éloigne d’Ève.

Enlèvement (scène 3) : À la fin, Ave et les enfants atteignent les mondes supérieurs et, disparaissant dans les nuages, se transforment en chants d’oiseaux (extraordinaire chœur d’enfants). Ève, vieillie, se métamorphose en montagne. Quand les spectateurs quittent la salle, ils entendent encore une nuée d’enfants-oiseaux.

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(Source principale : la présentation à la presse des représentations à l’opéra de Lille des 18 et 19 janvier 2025).

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