La liste des sept péchés capitaux : l’orgueil, la gourmandise, la luxure, l’avarice, la jalousie, la colère et la paresse a été fixée par Saint-Thomas d’Aquin (1224 – 1274) dans sa Somme théologique.
Après l’orgueil et la gourmandise, la luxure et l’avarice, la jalousie est donc le cinquième péché capital.
La jalousie, c’est le désir porté à l’extrême de posséder quelque chose ou quelqu’un que l’on n’a pas. Dans le domaine amoureux, c’est l’illusion que la personne aimée en aime un autre.
On rencontre beaucoup d’histoires d’amour à l’opéra, c’est même un des moteurs principaux des livrets. Malheureusement, ces histoires d’amour sont parfois accompagnées par ce revers de la médaille amoureuse qu’est la jalousie.
L’archétype du jaloux est probablement le général vénitien Othello, dont l’histoire nous est narrée par SHAKESPEARE. La jalousie (amoureuse) d’Othello est attisée par la jalousie (d’ambition) du traître Iago, qui s’arrange pour faire croire à Othello que sa femme Desdémone le trompe. Évidemment, tout cela se terminera mal pour les protagonistes de cette histoire. ROSSINI et VERDI ont tous les deux porté ce drame à l’opéra. (D’après l’Encyclopédie Universelle des Jeux de Mots Pourris [EUJMP], ce serait depuis cette histoire qu’on parle des jalousies de Venise.)
Dans l’antiquité grecque ou romaine, il n’est pas rare de trouver des jaloux ou des jalouses chez les dieux. Ainsi de la jalousie de Junon, la femme de Jupiter que celui-ci trompait allègrement. Le ressort dramatique de Platée (1745) de RAMEAU est justement un piège que Jupiter tend à sa femme pour la punir de sa jalousie.
Dans Atys (1676) de LULLY, la reine des dieux, Cybèle, jalouse de l’amour d’Atys pour Sangaride décide de se venger. Par un enchantement, elle s’arrange pour qu’Atys, se croyant attaqué par une bête furieuse, tue Sangaride de sa propre main.
Environ un siècle plus tard, c’est la jalousie de Diane qui prend à peu près la même forme dans Céphale et Procris (1773), de GRÉTRY. En effet, la nymphe Procris, qui était au service de Diane a quitté ce service pour l’amour de Céphale. Aidée de la déesse Jalousie, Diane s’arrange pour que Céphale, se croyant attaqué par une bête furieuse, tue Procris qu’il n’a pas reconnu. Mais heureusement, Amour veille et fait renaître Procris qui se jette dans les bras de Céphale.
(Qu’il me soit permis ici de citer une anecdote personnelle, si je connais cet opéra de Grétry, pourtant peu connu, c’est parce que j’ai eu l’occasion de le chanter. C’est même la seule fois de ma vie où j’ai chanté à l’Opéra Comique, à Paris.)
En 1733, c’est la jalousie de la reine Phèdre qui s’exerce dans Hippolyte et Aricie de Rameau. Hippolyte aime Aricie, une prêtresse de Diane qui a renoncé à ses vœux de chasteté au service de la déesse. Mais Phèdre, la belle-mère d’Hippolyte aime celui-ci, et quand elle se rend compte qu’il en aime une autre, sa fureur jalouse éclate.
Quittons à présent la mythologie pour nous rapprocher des humains.
Dans Les Pêcheurs de perles (1863) de BIZET, quand Leïla vient voir Zurga pour lui demander de sauver Nadir, la jalousie de Zurga prend le dessus sur son amitié et il confirme la condamnation à mort de Nadir.
Dans Tosca (1899) de PUCCINI, Flora Tosca laisse éclater sa jalousie quand elle découvre le portrait que son amant, le peintre Cavaradossi, a peint dans la chapelle qu’il décore.
Les choses ne s’arrangent pas au XXe siècle (l’humain reste humain) avec l’introduction des avancées de la psychologie dans les livrets d’opéra, ainsi dans Jenufa (1903) de JANACEK, Laca, le demi-frère de Steva est jaloux de l’amour de Jenufa pour Steva, et il la blesse au visage avec son couteau, la défigurant.
Et chez BERG, dans Wozzeck (1922), le monde (déjà fragile) du héros s’écroule quand il apprend que sa femme Marie le trompe avec le major. Pris de folie, il la tue par une nuit de pleine lune.
Je vais m’arrêter ici sur ce thème des scènes de jalousie à l’opéra, mais j’aurais largement de quoi écrire un second billet dessus.
Et retrouvez un autre péché capital avec la colère.
(Et si vous voulez plus de scènes de jalousie à l’opéra, cliquez donc sur le lien « Scènes de jalousie à l’opéra).
Les 7 pêchés capitaux est un thème qui a été largement utilisé des années 60 à 90 au cinéma, ou dans les livres. Beaucoup moins aujourd’hui, certainement que l’approche religieuse est moins présente dans nos sociétés. Je savais que l’opéra avait également utilisé ce thème mais je trouve qu’il l’a été beaucoup plus.
Tu m’a donné envie de faire une recherche sur cette thématique dans les films et les livres 🤔😁
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Bonjour Julie.
L’idée est intéressante. Dans les films, il y a « Seven » qui s’impose.
Dans la littérature, je pense que tu trouveras ton bonheur chez Balzac et Shakespeare !
Quant aux thèmes de la jalousie ou de la luxure, je pense qu’ils seront, comme à l’opéra, omniprésents ! (l’humain reste humain.)
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Désolée, je suis d’une impolitesse ! Bonjour 😉
J’ai tout de suite pensé à Seven 😉 Effectivement Balzac est pour moi une référence et encore plus avec cette thématique. Comme tu le dis, à partir du moment où l’humain est humain… On parle juste moins de péchés capitaux aujourd’hui. J’ai du mal à exprimer ce que je veux dire. C’est le mot qui n’est plus employé, alors que les thèmes sont bien présents.
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Pas de souci, Julie, j’avais compris. 🙂
Effectivement, la notion de péchés capitaux a bien disparu, et même peut-être celle de péché, du moins chez monsieur ou madame Toutlemonde.
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C’est ça ! Je cherchais comment l’exprimer.
La notion même a disparu 🙂
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Bon jour Jean-Louis,
Un bel aperçu sur ce sujet qui jalonne la vie humaine, transforme des destins, modifie la direction d’un pays, broie des existences, déploie des stratégies quasi-militaire, etc … 🙂
Bonne journée à toi 🙂
Max-Louis
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Merci Max-Louis.
Bonne journée à toi zôssi.
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Intéressant de voir comment l’être humain reste un être humain plein de faiblesses au-delà des frontières et du temps.
Tes extraits sont bien choisis mais j’ai une sensibilité toute particulière pour Tosca, les pécheurs de perles et Othello.
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Merci John Duff, et bonne journée (malgré la pluie).
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Ce qui est incroyable, c’est la beauté qu’inspire aux artistes nos petites passions humaines…. L’Encyclopédie des savoirs inutiles et incertains précise que le loup-garou est l’incarnation métaphorique (si ça a un sens) de l’humaine jalousie, ce qu’exprime le proverbe « tous les hommes sont déjà loups ».
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Ah, l’Encyclopédie des savoirs inutiles et incertains, qui se trouve dans la même aile improbable de la bibliothèque de Babel que l’Encyclopédie Universelle des Jeux de Mots Pourris (EUJMP). On dit même que ces deux ouvrages faisaient partie des préférés de Borgès.
Pour la beauté qu’inspire aux artistes nos petites passions, je m’en suis souvent fait la réflexion, notamment lorsqu’il s’agit de faire mourir héros ou héroïnes.
Bonne journée, Carnets Paresseux, et n’oublie pas que nous attendons la suite des aventures de petite pomme rouge, petite pomme verte et petite pomme jaune (sans oublier petite pomme bleue, bien sûr).
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Je crois qu’il y en a un autre exemplaire (de l’encyclopédie des savoirs inutiles…) dans la bibliothèque de l’Université de l’Invisible chère à Terry Pratchett, mais j’ai perdu ma carte de lecteur….
et non, je n’oublie pas les petites pommes qui reviendront sitôt que j’aurais écrit la suite !
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Il y a aussi le dictionnaire des lieux imaginaires, d’Alberto MANGUEL !
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Merci pour ces belles musiques Jean-Louis.
La jalousie est un poison assez lent mais très efficace pour tuer l’amour à coup sûr.
Je m’autorise une préférence pour Rameau, pour La Callas, ainsi qu’un accessit pour Gretry.
Belle journée Jean-Louis,
Régis
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Merci Régis.
Effectivement, parmi les sept péchés capitaux, la jalousie me semble être le plus terrible, car s’il fait souffrir le jaloux (ou la jalouse), ce qui en soit est plutôt rigolo, il fait aussi souffrir l’objet de la jalousie, et lui pourrit la vie, en pouvant même, cas extrême, le faire mourir.
Bonne journée.
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Belle liste des histoires de jalousie mises en musique, la jalousie était déjà là dans l’antiquité et elle continue sans changer au fil des siècles, bon week-end.
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Merci Marie-Christine.
L’homme ne change pas, hélas !
Je te souhaite une bonne soirée. 🙂
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Une seule note change tout. En mode majeur, la colère, la passion destructrice. En mineur, la douleur et la peine.
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C’est bien vu !
Merci pour cette contribution, Nemo Auditur. 🙂
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Bon jour, J-L
Eh oui, la jalousie est considérée comme un péché capital dans la religion catholique, pour laquelle les péchés capitaux sont des vices ( péchés mortels, péchés véniels) à l’origine de tous les autres vices.
Certes, il semblerait que nous en ayons perdu une certaine notion. Mais ne serait-ce pas plutôt, parce que nous y mettons plus de nuance ?
En tout cas, je pense qu’il y a une très nette différence entre une jalousie d’ordre pathologique ( qui n’a rien à voir avec l’amour) et la souffrance (douleur…) d’une personne qui a été trompée, abusée, trahie…Quand bien même dans les deux cas, c’est somme toute pathétique ( « rigolo » ? Je trouve pas vraiment. Mais bon ! 😊)…
Bref,tout ça, c’etait pour en venir à mon jaloux préféré, Othello (cela dit en passant: Placido Domingo – waouh ! 👍🤩🎶) que je vois surtout comme la victime du mal nommé lago.
Ah, et puis, je ne voudrais surtout pas quitter cette page sans un très grand MERCI pour ton choix de la Callas ( Tosca). Je vais de ce pas réchauffer mon café qui a refroidi pendant que je rédigeais ce commentaire. Mais je repasserai plus tard ( même pas pris le temps de tout écouter)
Tres très bon dimanche à toi, monsieur Toutloperaoupresque. A toute 🌞
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Bonjour SOlène.
Tu as raison d’apporter un peu de nuances à un propos qui peut être pris pour abrupt !
Ceci dit, pour Othello, même s’il est vrai qu’il est victime de Iago, il ne lui en n’a pas fallu beaucoup pour qu’il perde la confiance en son amour, Desdémone. Et la vraie victime, c’et bien elle, qui meurt assassinée par son Othello sans même savoir pourquoi.
Très bon dimanche à TOi, SOlène. 🙂🌞🎼📚
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Oui, c’est vrai, la première victime c’est quand même Desdémone. J’ai décidément un trop gros faible pour Othello 😉
Au temps pour moi…
( encore aujourd’hui pluie et repli à l’abri 🌧🌂 )
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Oups ! Quand même . Merci de bien vouloir faire comme d’hab’ 🙏
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Hihihi, j’avais déjà corrigé !
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T trop fort !
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Eh bien voila un sujet qui déchaîne les passions. Tous ces commentaires sont passionnants.
Pour apporter mon caillou à l’édifice, je dirai que ce qui nous intéresse tant dans l’observation de cette passion chez les autres, c’est parce que cela nous permet d’exorciser nos propres faiblesses.
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Merci pour ton caillou collaboratif, John Duff, et bonne journée.
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Bonsoir Jean-Louis ! Les jaloux sont tantôt ridicules tantôt dangereux, et on peut glisser assez vite du rire au tragique. Quand l’amour se transforme en persécution de l’être aimé, ça tourne presque à la folie. En tout cas, Placido Domingo est très émouvant en Othello. Et l’opéra de Grétry a l’air très gracieux !
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C’est tout à fait ça, du ridicule (Bartolo dans le Barbier de Séville) au dangereux, voire au criminel (Othello) !
Bonne soirée, Marie-Anne.
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