littérature, Oulipo, Poésie

« LES PHARES », de Charles BAUDELAIRE

Après avoir wagnerisé, puis debussysé le poème « La Musique » de Charles BAUDELAIRE, je vous propose aujourd’hui d’illustrer musicalement le poème « Les Phares », où Baudelaire rend hommage aux grands peintres qui constituent son panthéon.

(Rappel du principe, je prends un poème parmi mes préférés, et j’illustre les images évoquées par ce poème par des citations musicales en rapport [pour moi] avec ces images.)

Ce billet a été réalisé avec l’aide amicale de John DUFF, qui en plus d’être un éminent vexillologue est également un éminent baudelairien.

Rubens, fleuve d’oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l’on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s’agite sans cesse,
Comme l’air dans le ciel et la mer dans la mer ;

Wagner Tannhäuser BacchanaleCliquez sur la bacchanale

Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l’ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays,

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d’un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s’exhale des ordures,
Et d’un rayon d’hiver traversé brusquement ;

Michel-Ange, lieu vague où l’on voit des Hercules
Se mêler à des Christs, et se lever tout droits
Des fantômes puissants qui dans les crépuscules
Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts ;

Don Giovanni finalCliquez sur le fantôme puissant venant chercher Don Giovanni en étirant les doigts

Colères de boxeur, impudences de faune,
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand coeur gonflé d’orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats,

Debussy Prélude à l'après-midi d'un fauneCliquez sur l’après-midi d’un faune impudent

Watteau, ce carnaval où bien des cœurs illustres,
Comme des papillons, errent en flamboyant,
Décors frais et légers éclairés par des lustres
Qui versent la folie à ce bal tournoyant ;

Berlioz Symphonie fantastique Un BalCliquez sur l’image

Goya, cauchemar plein de choses inconnues,
De foetus qu’on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir et d’enfants toutes nues,
Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas ;

De Falla Goyescas Los RequiebrosCliquez sur le pianiste

Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges,
Ombragé par un bois de sapins toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber ;

Weber Berlioz l'invitation à la valseCliquez sur la pochette du disque

Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes ;
C’est pour les coeurs mortels un divin opium !

Berlioz Te DeumCliquez sur le Te Deum

C’est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;
C’est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !

Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !

Citations :

Oreiller de chair fraîche où l’on ne peut aimer : WAGNER, Tannhaüser, Bacchanale. Baudelaire a fait partie des premiers admirateurs français de Wagner, et il a écrit Wagner et Tannhauser à Paris en 1861, après la création française de cet opéra.

Des fantômes puissants qui dans les crépuscules : MOZART, Don Giovanni, scène finale.

impudences de faune : DEBUSSY, Prélude à l’après-midi d’un faune (d’après un poème de MALLARMÉ).

Qui versent la folie à ce bal tournoyant : BERLIOZ Symphonie Fantastique « Un bal »

Goya, cauchemar plein de choses inconnues : GRANADOS, Goyescas. Dans son œuvre Goyescas, Granados s’est attaché à traduire en musique ce que lui inspiraient les peintures de GOYA.

comme un soupir étouffé de Weber : WEBER, l’Invitation à la Valse, orchestrée par Berlioz.

Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum : Berlioz Te Deum.

17 réflexions au sujet de “« LES PHARES », de Charles BAUDELAIRE”

  1. voilà que par petites doses j’apprends à aimer l’opéra 😀 la mise en scène de Don Giovanni est passionnante ! Merci Jean-Louis -et John,donc. Je rajoute vexillologue au vocabulaire ! que le français et ces échanges sont riches !

    Aimé par 2 personnes

  2. Bon jour Jean-Louis,
    J’aime beaucoup ce « Prélude à l’après-midi d’un faune » dont j’ai lu quelque part que Debussy l’avait créé sur un poème de Mallarmé … 🙂
    Bonne journée à toi
    Max-Louis

    Aimé par 2 personnes

  3. Quel bel article, qui mêle la poésie, la musique et la peinture, j’adore ! Cette version de Don Giovanni est très belle et impressionnante et j’aime beaucoup ces Goyescas de Granados – sans parler de l’Après-midi d’un faune dont je me régale – quelle douceur ! Belle journée Jean-Louis 🙂

    J’aime

  4. Tout est dit 😁
    En tout cas, en ce qui concerne la lecture et l’écoute, je confirme: la poésie, la peinture et la musique, ce billet c’est le top du top.
    Félicitations à John Duff et à toi. Et, bien sûr MERCI à vous deux.
    Bonne soirée, J-L. A bientôt !

    Aimé par 1 personne

    1. Top du top ! Carrément !
      Oui, c’est un billet que je voulais écrire depuis longtemps, mais sans vraiment avoir de fil conducteur (même si j’avais quelques idées, comme pour Weber ou le Te Deum), mais c’est vraiment John Duff qui m’a incité à aller plus loin en me suggérant plusieurs correspondances poésie / musique.
      Très belle SOirée à TOi, SOlène. 🙂

      Aimé par 1 personne

      1. Oui tout à fait. Selon moi qui, depuis le début, adore ces billets à la sauce OuLipo, alliant poésie et musique, je te le (re) dis sans en rajouter: si d’habitude, c’est top, cette fois c’est le top du top.
        Vous avez, John Duff et toi, réalisé un billet qui est un régal de LECTURE et D’ÉCOUTE 😁
        Bônuit J-L, à demain.

        Aimé par 1 personne

  5. Merci de tes gentils commentaires sur moi. Si je suis  » éminent  » , je vois pas quel mot je pourrais utiliser pour qualifier tes connaissances musicales.
    J’adore tous tes extraits, le Te Deum, c’est quand même quelque chose ! Mais je ne peux pas tout citer…
    Je n’ai pas pu aller voir Tosca en direct, c’était sur réservation il y n’y avait plus de place. Je l’ai vu en différé. C’était très bien, la seule originalité, c’est que Tosca se pend à la fin.

    Aimé par 1 personne

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