Seule comédie composée par WAGNER, le livret a été composé en 1861 – 1862, et la musique de 1862 à 1867. L’œuvre, Die Meistersinger von Nürnberg en allemand, fut créée à Munich en 1868, et dédiée à Louis II de Bavière. Wagner en avait eu l’idée dès la fin de Tannhaüser, en voulant écrire un pendant comique à son drame.
Wagner a mis dans cet opéra toute sa science de la composition musicale, de la célèbre ouverture qui mêle les 5 thèmes principaux, ou de la 1ère scène où il compose un choral d’église digne de JS.BACH au final ébouriffant du 2e acte, que ROSSINI n’aurait pas désavoué, en passant par de très beaux morceaux pour chœur ou pour les solistes.
Paradoxalement, c’est dans cette comédie que Wagner se fait le plus politique, décrivant ses conceptions de l’art nouveau, capable de transcender les règles léguées par le passé, et les difficultés qu’il y a pour la bourgeoisie d’apprécier ces nouveautés.
Le pitch : Le héros principal de cette comédie est Walther, un jeune homme qui veut participer à un concours de chant (l’action se passe au moyen-âge) pour pouvoir épouser Eva, celle qu’il aime. Pour cela, il doit défendre un art nouveau et spontané en se débarrassant du carcan de la Tradition défendue par la guilde des Maîtres-Chanteurs. Il sera aidé par Hans Sachs, autre grande figure de cet opéra, qui tout en étant gardien des règles, sait qu’elles doivent évoluer.
Ouverture : Cinq leitmotivs sont exposés dans l’ouverture, qui commence par l’exposé du thème lourd et pompeux de la guilde des Maîtres-Chanteurs, suivi du thème léger et tendre de l’amour naissant. Viennent ensuite les thèmes de la bannière des Maîtres, de la passion déclarée et de l’ardeur impatiente. L’ouverture se termine par un mélange des trois thèmes Guilde des Maîtres, Bannière des Maîtres et Passion Déclarée exprimant la fusion de l’art savant mais routinier et d’un art nouveau et spontané.
Acte I : À l’église Sainte-Catherine, c’est la fin de la messe. Alors que les fidèles chantent un choral, Walther, qui a eu l’occasion de rencontrer Eva chez son père Pogner, cherche à capter le regard de celle-ci. Quand le choral est terminé, il discute avec elle, voulant savoir si elle est déjà fiancée. Magdalena, la nourrice d’Eva, lui apprend que oui, mais que le fiancé n’est pas encore connu. En effet, la main d’Eva sera le prix du concours de chant qui doit avoir lieu le lendemain.
Après la messe, les apprentis préparent le lieu du concours. David, amoureux de Magdalena et apprenti du maître cordonnier Hans Sachs, essaie d’expliquer à Walther les règles du chant. Il fait la comparaison entre son apprentissage de cordonnier et son apprentissage du chant avec toutes les règles qu’il faut connaître et appliquer.
Alors que les apprentis ont fini de dresser la scène, Pogner arrive avec le greffier Beckmesser. Pogner explique qu’il a ajouté une clause au concours, laissant libre choix à sa fille d’accepter le vainqueur du concours comme mari. Cette clause inquiète Beckmesser qui a des vues sur Eva. Walther s’adresse à Pogner, il veut devenir Maître-Chanteur. Quand tous les Maîtres-Chanteurs sont arrivés, leur réunion peut commencer. Hans Sachs propose de joindre le jugement du peuple à celui des Maîtres. Une discussion s’amorce entre les tenants de la tradition qu’ils défendent et le goût du peuple, qui n’a pas été formé aux règles académiques. Pogner annonce à l’assemblée qu’il y a un candidat pour devenir Maître. Interrogé sur sa formation de poète et de musicien, Walther raconte qu’il a appris la poésie dans un livre ancien, et la musique en écoutant les chants de la nature.
La discussion entre tradition et nouveauté reprend de plus belle. Walther va chanter. Beckmesser tiendra le marquoir. C’est une ardoise sur laquelle il écrit les fautes commises par les candidats. Au-delà de sept fautes, la candidature sera rejetée. Walther commence son chant, mais on entend Beckmesser dans sa loge cribler l’ardoise de coups de craie rageurs. Quand l’ardoise est pleine, il interrompt le chant.
Les Maîtres-Chanteurs sont d’accord : le chant de Walther n’obéit pas aux règles établies. Seul Hans Sachs a su entendre, au-delà des fautes formelles, les qualités présentes dans le chant de Walther. Il demande que Walther puisse terminer son chant. Pendant que Walther reprend, Beckmesser annonce les fautes, et les Maîtres-Chanteurs les constatent. À la fin, ils refusent l’entrée de Walther dans leur guilde.
Acte II : Devant l’atelier de Hans Sachs et la maison de Pogner, les apprentis ferment les volets de leurs maîtres. Magdalena demande à David comment s’est déroulée l’épreuve de Walther. Quand elle apprend qu’il a raté son concours, elle rentre chez elle fâchée, laissant David seul. Les apprentis forment une ronde moqueuse autour de lui. Hans Sachs sort de son atelier et fait rentrer David.
Pogner et Eva reviennent de leur promenade du soir et rentrent chez eux. Sachs repense au chant de Walther, si beau malgré ses fautes. Eva ressort et cherche à savoir comment s’est passée l’épreuve. Sachs répond que le manque de qualité du chant de Walther ne lui a pas permis de passer l’épreuve, ce qu’Eva prend pour une critique. Magdalena ressort pour lui demander de la part de son père de rentrer, et l’informe que Beckmesser a prévu de lui donner la sérénade cette nuit. Eva demande à Magdalena de prendre sa place à la fenêtre. Walther arrive à son tour. Eva lui déclare son amour mais Walther reconnaît qu’ayant échoué, il ne peut prétendre à la main d’Eva. Ils projettent de s’enfuir quand au loin, on entend la trompe du veilleur de nuit.
Après le passage du veilleur, Beckmesser arrive pour sa sérénade. Sachs qui travaillait sur le pas de sa porte se met à taper sur la semelle de la chaussure en chantant à pleine voix. Beckmesser essaie de le faire taire, mais la fenêtre d’Eva s’ouvre. Finalement, Sachs accepte de laisser Beckmesser chanter, mais il marquera les fautes en tapant sur la semelle. Furieux, Beckmesser a mal accordé son luth, et quand il entame son chant, celui-ci est rythmé par les coups de marteau de Sachs. Beckmesser, énervé, chante de plus en plus fort. Entendant du bruit, les voisins paraissent à leurs fenêtres et descendent dans la rue. David, reconnaissant Magdalena à la fenêtre, et croyant que Beckmesser lui donne la sérénade, saute dans la rue, brise le luth de son « rival » et ils commencent à se battre. Les voisins en font autant. Les apprentis, puis les compagnons arrivent aussi, et le charivari se généralise. Les femmes criant « au feu » jettent de l’eau sur les belligérants. Quand on entend la trompe du veilleur de nuit, tout le monde rentre chez soi et Sachs fait entrer Walther chez lui. Quand le veilleur de nuit arrive sur la place pour annoncer onze heures, la scène est vide.
Cliquez sur l’ébouriffant final de l’acte 2
Acte III : Dans son atelier, Sachs discute avec David de la folle soirée de la veille. David pense que Sachs veut remporter le concours de chant pour épouser Eva. En fait, Sachs veut favoriser le sort des deux jeunes gens. Walther arrive, après une bonne nuit passée chez Sachs, pendant laquelle il a fait un songe. Sachs lui dit qu’il a apprécié son chant, même s’il fait peur aux gardiens de la tradition. Pour aider Walther, il lui demande de lui dicter son rêve. Tout en écrivant, il donne des conseils à Walther sur l’art de composer son poème. Quand ils ont fini, ils vont s’habiller pour la cérémonie. Beckmesser, voyant l’atelier vide, s’avance. Il trouve le chant d’amour écrit par Sachs mais, entendant du bruit, le cache dans sa poche. Sachs entre dans l’atelier et se moque de l’aventure subie la nuit précédente par Beckmesser. Beckmesser, furieux, accuse Sachs de vouloir concourir contre lui. Face aux dénégations de Sachs, il sort de sa poche le poème écrit de la main de Sachs. Celui-ci continue à nier vouloir chanter, et va jusqu’à offrir son manuscrit au greffier, qui n’en revient pas.
Beckmesser parti, Eva arrive, vêtue de ses plus beaux atours. Elle se plaint de ses chaussures qui la blessent. Sachs va les réparer. Il feint de ne pas voir David entrer, et se met à chanter la chanson de Walther, en se demandant qui chantera le troisième couplet. Walther enchaîne alors la suite de sa chanson. Sachs reconnaît que c’est là un chant de Maître. Eva, comprenant ce que Sachs a fait pour eux, tombe dans les bras de Sachs en pleurant, tandis que Walther s’approche de lui pour lui serrer la main. David et Magdalena entrent à leur tour, et tous se mettent à chanter pour le succès espéré de David (Quintette).
Sur la plaine, les apprentis accueillent les bourgeois des corporations, et les conduisent à leur place pour le concours. Enfin, les Maîtres-chanteurs arrivent en cortège jusqu’à l’estrade. Quand Sachs s’installe, la foule se met à chanter un chant qu’il avait composé autrefois.
Ému, Sachs les remercie et lance le concours. Il demande que tout poète ait le droit de concourir librement, puis Sachs désigne Beckmesser pour commencer l’épreuve. Celui-ci, n’ayant pas retenu les paroles, s’embrouille, se trompe, et finit sous les lazzis de la foule. Furieux, Beckmesser prétend que les paroles sont de Sachs.
Sachs révèle alors que le poème est de Walther, mais qu’il a été massacré par Beckmesser. Il donne alors la parole à Walther. Tout le monde écoute avec émotion et à la fin, le peuple demande que Walther remporte le prix, ce que les Maîtres-Chanteurs acceptent. Ils veulent le nommer Maître, mais Walther refuse. Sachs lui fait savoir qu’il serait orgueilleux de refuser. Eva pose la couronne de vainqueur sur le front de Hans Sachs, et, avec Walther, l’entoure. Tout le monde félicite Sachs pour sa sagesse.
(Source principale : l’indispensable « Voyage artistique à Bayreuth » d’Albert LAVIGNAC, librairie Ch. Delagrave, deuxième édition (1898), et comme vous avez de la chance, ce livre est disponible en livre de poche.)
C’est une histoire intéressante, cette idée du conflit entre l’art académique et le renouveau de l’avant-garde me plait ! Et ça résume bien l’art du 19è siècle… Bonne journée Jean-Louis 🙂
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C’est le même thème que celui de Tannhaüser chantant l’amour profane lors du tournoi de chant de la Wartburg, choquant les tenants de la tradition qui devaient chanter l’amour sacré !
Bonne journée, Marie-Anne. 🙂
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Bonjour Jean-Louis,
pour une fois le livret me plait bien. Je les trouve souvent un peu « tarte », mais là il y a de la matière. De plus, les commentaires sur la musique donnent envie d’écouter.
Serai-je séduit ?
Belle journée.
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Normalement, dans les extraits proposés, tu devrais trouver ton bonheur, ne fût-ce que l’ouverture, une des grandes pièces symphoniques de Wagner, souvent jouée de manière isolée en concert.
Tu me diras ce qui t’aura plu !
Bonne journée, Régis. 🙂
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Je n’ai fait que passer pour terminer ma lecture commencée ce matin. Ré-joui-ssant ! D’autant plus que je suis ( une fois de plus) dans la découverte. Et pourtant c’est Wagner.
Je me réserve l’écoute des vidéos pour ce soir et demain matin. En plus des 748 pages a lire du Printemps des monstres (j’en suis à la page 269 au 5e jour de lecture). Mais j’suis contente, hier Jaenada à battu Nothomb. En tête des meilleures ventes !
Bref, tout ça pour dire: bien occupée, encore une fois.Je n’ai pas une vie simple, mais au moins, je n’ai pas le temps de m’ennuyer.
MERCI à toi, J-L, pour ce chouette billet. Bel aprem’, à plus tard !
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Prends ton temps SOlène, et tu verras, j’ai même trouvé une vidéo de Jonas K. dans le rôle de Walter !
Bonne journée soleil. 🙂🌞🎼📚
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Jonas, oui, je l’ai écouté dès que je l’ai vu ( hé, kestucrois 😊)… 🙏
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Bonne journée, SOlène.
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Boudiou de boudiou, tu t’es attaqué à un gros morceau !
Mais pari réussi.
On hésite un peu quelquefois à écouter cet opéra à cause de sa longueur, mais on a tort. Quelle que soit leur taille, on est toujours saisi par les opéras de Wagner qui nous sirènent et nous lient jusqu’à leur fin.
On pourrait s’étonner d’être captivé par cette amourette, mais les enjeux sont bien plus importants.
La transgression dans l’art est-elle profitable ? Wagner répond clairement oui..
Je suis d’accord avec lui, mais avec un petit bémol, seulement avec du talent, sinon on aboutit à la dodécacophonie.
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Je suis d’accord, moi aussi j’hésite un peu à entrer dans cette œuvre qui dure plus de quatre heures.
Pourtant, je l’ai regardée récemment pour écrire ce billet, et je ne suis pas du tout ennuyé ! quand la musique est bonne !
Il ne me reste plus que Parsifal à chroniquer sur ce blog, ce sera pour un prochain Vendredi saint.
Bonne journée, John Duff.
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