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LULU, de BERG (1929-1935)

Lulu est un opéra composé par Alban Berg de 1929 jusqu’à sa mort en 1935. Berg en a écrit lui-même le livret, à partir de L’esprit de la terre (1895) et La boîte de Pandore (1902), deux pièces de Wedekind. Tout l’opéra est bâti sur un principe de symétrie formelle, l’action décrivant l’ascension de Lulu, jusqu’à la mort de son seul amour (premier acte et première scène du deuxième acte), suivi d’un interlude orchestral, et sa descente aux enfers (deuxième scène du deuxième acte et troisième acte).

En 1935, il s’interrompt dans la composition de Lulu pour écrire un Concerto pour violon, dédié à la mémoire de Manon Gropius, la fille d’Alma Mahler et de l’architecte Walter Gropius (fondateur du Bauhaus), morte à l’âge de dix-huit ans. C’est le Concerto à la mémoire d’un ange.

Resté inachevé à la mort de Berg, c’est le compositeur Friedrich Cerha qui en a orchestré la fin pour la production complète donnée au Palais Garnier en 1979 par Pierre Boulez.

Les cinéphiles reconnaîtront l’histoire du film Loulou, de Pabst, avec Louise Brooks dans le rôle de l’héroïne.

Pour préparer le public à sa musique, Berg a écrit une Suite Lulu, créée en 1934.

Berg Lulu Suite III Lied der LuluCliquez sur la Lulu-suite

Le pitch : Lulu consomme les hommes, qui meurent pour elle. Le destin change mais la mort de ses amant(e)s continue. Lulu meurt tuée par Jack l’Éventreur.

Berg Lulu (MET 2015)Cliquez sur le pitch

Prologue : Le dompteur appâte le chaland pour qu’il vienne voir sa ménagerie. Il décrit ses animaux, allégories des personnages que l’on va voir, et fait entrer le serpent (Lulu). Le dompteur en décrit le destin tragique. Lulu repartie, il invite le public à entrer sous son chapiteau.

Berg Lulu PrologueCliquez sur le prologue

Acte I : Dans l’atelier du peintre, qui peint le portrait de Lulu. Le compositeur Alwa souhaite engager Lulu pour son opéra. Alwa et son père, le docteur Schön, sortent. Le peintre presse Lulu, qui craint que son mari, vieux professeur de médecine, ne rentre. Quand celui-ci arrive et découvre Lulu et le peintre ensemble, il meurt de saisissement. Le peintre est désolé, Lulu totalement indifférente. (Aux questions du peintre, Lulu n’a qu’une réponse : je ne sais pas.)

Berg Lulu Der Mahler AriosoCliquez sur le peintre

Dans le salon du peintre où trône le portrait de Lulu. Lulu et le peintre sont mariés. Ils reçoivent une lettre annonçant les fiançailles de Schön. On sonne à la porte. C’est Schigolch, un mendiant, qui vient voir où Lulu vit, et lui demander de l’argent. Schigolch sort et Schön entre. Il demande à Lulu ce que son père faisait ici. Il est venu dire que, fiancé, il ne veut plus voir Lulu, mais Lulu veut continuer à le voir. Lulu sort alors que le peintre rentre. Schön lui dit qu’il devrait mieux surveiller sa femme. Le peintre comprend que Lulu le trompe avec Schön. Celui-ci lui raconte son histoire avec Lulu. Le peintre va dans la pièce voisine. On entend des cris derrière la porte, qu’il a fermée à clé. Alwa arrive à ce moment. On défonce la porte et on trouve le corps du peintre, qui s’est tranché la gorge. Lulu veut quitter la maison. Schön dit que c’est la fin de ses fiançailles, son destin étant lié à celui de Lulu.

Alwa a écrit un spectacle, dont Lulu est la vedette. Il est amoureux d’elle. Ils discutent avant l’entrée en scène de Lulu. Un prince vient la voir tous les soirs et voudrait l’emmener en Afrique. Alwa, resté seul, pense à son prochain opéra (qui raconterait l’histoire de Lulu !). Le prince entre. Lulu rentre de scène. Elle s’est évanouie en voyant Schön et sa fiancée dans la salle. Ce dernier arrive. Il avait commandé le spectacle à Alwa dans l’espoir qu’un admirateur éloignerait Lulu, mais n’avait pas imaginé qu’on l’emmènerait en Afrique. Lulu sentant son pouvoir sur Schön lui dicte une lettre de rupture pour sa fiancée. Il a l’impression de signer son arrêt de mort.

Berg Lulu Akt I Alwa LuluCliquez sur Alwa et Lulu

Acte II : Dans le salon de Schön, la comtesse Geschwitz a offert des fleurs à Lulu. Elle l’invite à un bal de femmes, où elle lui demande de venir habillée en homme. À leur départ, Schön se sent très seul, face à son nouveau cercle d’amis. Lulu revient, ils ont une discussion sur qui a voulu épouser l’autre en gagnant leur chambre à coucher. La comtesse Geschwitz revient et se cache derrière un paravent, alors qu’arrivent les amis de Lulu : Schigolch, l’Athlète (double du Dompteur du prologue) et le Lycéen (l’ours de la ménagerie). Ils viennent faire la fête pendant l’absence de Schön. Lulu sort de sa chambre et aguiche le Lycéen avant de ressortir. Tous pensent qu’elle attend le prince qui veut l’épouser. Lulu revient et dit qu’ils ont peur de Schön. L’Athlète montre ses muscles. Le valet de chambre annonce le Docteur Schön, tout le monde se cache. Ce n’est qu’Alwa, toujours attiré par Lulu. Schön apparaît et assiste, caché, au dialogue amoureux entre Alwa et Lulu, à la fin duquel Lulu révèle à Alwa qu’elle a empoisonné sa mère. Schön se montre et fait des reproches à Lulu. Il lui met son revolver dans la main pour qu’elle se suicide. Lulu propose le divorce, mais Schön refuse. Lulu déclare que des hommes se sont suicidés pour elle. À ce moment, le Lycéen sort de sa cachette. Comme Schön se tourne vers lui, Lulu l’abat. Schön mourant appelle Alwa au secours. Lulu cherche à fuir, retenue par Alwa. Elle le supplie de la laisser partir, mais il est trop tard, la police est là.

Berg Lulu Akt II Wenn sich die MenschenCliquez sur l’image

Interlude orchestral : À partir de ce moment, le milieu du drame, l’ascension de Lulu cesse et son destin va suivre une trajectoire descendante, symétrique de la trajectoire du début. Pour figurer ce renversement, Berg a ainsi composé un palindrome de 3 minutes !

Berg Lulu Akt II interlude orchestral (palindrome)Cliquez sur le palindrome

Dans la maison d’Alwa, Alwa, Geschwitz et l’Athlète ont préparé un plan pour faire évader Lulu. Geschwitz a contracté le choléra pour prendre la place de Lulu à l’hôpital, qui est tombée malade en prison. Schigolch arrive avec des passeports qui leur permettront de fuir à Paris, après l’évasion de Lulu. Il repart avec Geschwitz chercher Lulu à l’hôpital. Le Lycéen arrive ; il a un plan pour sauver Lulu, mais Alwa lui dit que c’est trop tard, qu’elle est morte. D’abord incrédule, il part en déclarant que sa vie ne vaut rien. Lulu rentre, habillée avec les vêtements de Geschwitz, avec qui elles ont échangé leurs rôles. Elle se débarrasse de l’acrobate, qui voulait se marier avec elle, et faire d’elle une acrobate. Elle entraîne Alwa sur le divan. La passion embrase Alwa, mais pas Lulu, qui lui rappelle qu’elle a tué son père. Elle veut surtout savoir s’il l’accompagnera dans sa fuite à Paris.

Berg Lulu Akt II Air d'AlwaCliquez sur Alwa

Acte III : Dans un salon bourgeois à Paris, on fait la fête. Un banquier vend (très cher) des actions. Tout le monde en veut. Dans une salle de jeu au fond, on joue. Le Marquis demande de l’argent à Lulu, mais celle-ci n’en a plus. Il lui propose l’alternative suivante : ou elle se prostitue pour lui, ou il la dénonce à la police. Un bordel du Caire lui propose 1200 marks pour elle. Lulu propose de le payer en actions du banquier. Le Marquis veut de l’argent, pas du papier. Geschwitz fait une scène de jalousie à Lulu, qu’elle accuse de l’avoir trahie. L’athlète revient vers Lulu, c’est désormais 20 000 marks qu’il demande pour ne pas la livrer à la police. Si elle n’a pas d’argent, elle peut payer en nature ! Dans le brouhaha de la fête, le banquier annonce que ses actions ne valent plus rien. Schigolch à son tour demande de l’argent à Lulu. Elle se met à pleurer, elle n’a pas d’argent et l’Athlète va la dénoncer. Schigolch propose un plan pour s’en débarrasser. Il a remarqué que Geschwitz ne laisse pas l’Athlète indifférent. Lulu convainc Geschwitz d’accompagner l’Athlète dans une maison de rendez-vous, en lui garantissant qu’il ne lui arrivera rien. Sitôt les deux partis. Lulu va voir le groom et échange ses vêtements avec lui avant de prendre la fuite avec Alwa. La police vient arrêter Lulu, mais trop tard, elle est partie.

Dans une chambre sous les toits. Alwa et Schigolch attendent Lulu. Celle-ci arrive avec son premier client (le double de son premier mari). Elle l’entraîne dans la chambre. Quand l’homme ressort et part, ils regardent combien Lulu a gagné. Geschwitz arrive. Elle a trouvé le tableau de Lulu chez un brocanteur. Ils le clouent au mur et comparent la beauté passée de Lulu à ce qu’elle est maintenant devenue. Une nouvelle personne arrive. Entre le Nègre (le double du peintre). Il veut toucher Lulu, qui recule. Il s’énerve et empoigne Lulu. Alwa veut intervenir et tombe, frappé à mort par le Nègre, qui sort. Schigolch cache le cadavre quand Geschwitz rentre, prête à se suicider devant l’indifférence affichée par Lulu. Celle-ci entre, accompagnée par un troisième client. C’est Jack l’Éventreur (le Tigre de la ménagerie et le double du docteur Schön). Lulu est attirée par ce client. Elle demande de l’argent, il fait mine de partir. Finalement c’est elle qui paiera pour l’avoir. Ils entrent dans la chambre. Geschwitz décide de quitter cet endroit quand on entend un cri terrible de Lulu. Geschwitz va vers la porte. Jack sort de la chambre, un couteau à la main. Il poignarde Geschwitz et part tranquillement. Geschwitz appelle Lulu une dernière fois avant de mourir.

Berg Lulu FinalCliquez sur Lulu

10 réflexions au sujet de “LULU, de BERG (1929-1935)”

  1. Lulu, femme fatale ! Attirer et séduire les hommes. Puis les zigouiller. Ou être responsable de leur mort… Genre plus monstrueuse que la Lulu, tu meurs. Et d’ailleurs, à la fin, elle meurt, ça pouvait difficilement se terminer autrement. Mais des mains de Jack l’éventreur, ça alors qui l’eût cru – patate crue ?! En même temps, se retrouver à Londres à cette époque-là et prostituée qui plus est, c’était risqué.

    Maintenant, question que je me pose: comment, mais comment le romantique et si charmant Alban a-t-il pu nous pondre une histoire aussi sordide ?! Rien qu’à la lire, ça a plombé mon petit matin – bonjour l’angoisse ! La musique non harmonique approfondit encore plus le malaise. Un chef d’oeuvre, certes certes. Mais oppressant. En tout cas pour moi (juste pas trop ma tasse, ce qui ne retire rien à ses qualités intrinsèques)…

    Un p’tit caf’ with me ? Bonne semaine, J-L. Et merci. Il n’a pas dû être si facile que ça à écrire ce billet. Bon boulot, si j’ose dire 🙏🎶👍👍👍

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    1. Oh, pour l’histoire, comme je l’écrivais dans l’article sur l’opéra au début du XXe siècle, on est en plein dans l’apport de la psychologie ou de la psychanalyse dans les livrets d’opéra ! Lulu aurait même pu rencontrer Siegmund Freud à Vienne !
      Sinon, oui, pas très facile à écrire ce billet, même si je savais dès le début du blog que j’allais l’écrire. Ce que je n’ai pas suffisamment réussi à faire, c’est traiter l’aspect formel extrêmement travaillé de l’œuvre, genre OuLiPo avant la lettre !
      Bonne journée, SOlène.

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  2. J’avoue avoir eu un peu de mal à rentrer dans cet opéra et à l’apprécier. Mais maintenant, je l’aime bien. Ce qui me plait dedans, outre la musique, c’est cette force implacable qui pousse les personnages et qui s’accomplit malgré eux.

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  3. Bonsoir Jean-Louis ! Une histoire terrible… Splendeurs et misères d’une femme fatale. La musique sérielle, ce n’est pas ce que je préfère mais je n’ai rien contre, à petites doses.
    Je suis contente de pouvoir encore mettre des commentaires sur ton blog (il y en a un bon paquet sur lesquels c’est devenu impossible, hélas).
    Bonne soirée !

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      1. Sûrement à cause d’un bug de WordPress… Ca ne marche ni avec l’ordinateur ni avec mon téléphone… C’est un grand mystère ! J’ai écrit à WordPress mais pour le moment c’est le silence.
        Quoi qu’il en soit, je te souhaite une belle soirée 🙂

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