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DIX QUESTIONS À CAROLINE SONRIER

Caroline Sonrier, l’actuelle directrice de l’Opéra de Lille, a très aimablement accepté de me recevoir pour répondre à mes questions.

    1) Comment devient-on directrice d’opéra ?

    R. Dans le passé, les directeurs d’opéra étaient souvent des metteurs en scène. Plus récemment on a vu arriver une génération de personnalités ayant fait des études brillantes, style Sciences Po, et passionnés de musique. En ce qui me concerne, j’ai une formation musicale (orgue et musicologie), mais n’ai découvert que tardivement qu’il existait des organisations pour développer la musique (pour les professionnels ou les amateurs). J’ai ensuite suivi un parcours de structure en structure, jusqu’à mon arrivée à l’Opéra de Lille en novembre 2001. À l’époque, l’opéra était en chantier, et la maire de Lille, Martine Aubry, voulait pouvoir le réouvrir pour Lille 2004.

    2 ) Comment construit-on une saison ?

    R. Entre l’arrêt des activités de l’Opéra à la fin des années 80 et la fermeture du bâtiment en 1998 l’activité lyrique s’est beaucoup réduite, seules quelques productions ont pu être présentées au public. D’où mon envie que le public puisse découvrir les chefs-d’œuvre du répertoire afin de toucher le plus grand nombre de personnes, avec le souhait de monter aussi des œuvres moins connues (baroques ou contemporaines) en fidélisant des artistes sur ces programmations. C’est ainsi que s’est noué le partenariat avec Emmanuelle Haïm et son Concert d’Astrée pour le baroque, ou avec l’ensemble Ictus pour le contemporain (et aujourd’hui, le Balcon de Maxime Pascal.)

    Pour le choix des titres, je choisis d’abord le metteur en scène, et nous discutons ensemble de l’œuvre qui sera montée. Une fois la programmation d’opéras réalisée, il faut garder des intervalles pour programmer la danse ou les concerts.

    3 ) Combien de temps faut-il entre le moment où on décide d’une production et le moment où le public peut la voir sur scène ?

    R. Il faut deux à trois ans pour monter un projet. Les chanteurs, il faut les réserver deux ans à l’avance.

    4 ) Comment recrute-t-on les chanteurs, les solistes ou les metteurs en scène ?

    R. Il est toujours préférable de choisir des chefs d’orchestre et des chanteurs qui soient familiers de la langue dans laquelle l’opéra est chanté, et également du style du compositeur, bien sûr. Ça a été particulièrement le cas ici pour les opéras italiens et français par exemple.

    5 ) À propos des metteurs en scène, certaines productions ont été jugées assez sévèrement par une partie du public. Comment répondriez-vous à ces critiques ?

    R. Choisir un metteur en scène, c’est faire confiance à un artiste, et lui permettre d’aller jusqu’au bout de son idée. Il faut éviter le compromis, parce que c’est la négation de l’art. Je n’ai aucun regret sur aucun projet. Nous avons développé divers outils pour donner des informations sur le spectacle afin que chacun puisse choisir en connaissance du projet mais, malheureusement, il y a une partie du public qui s’arrête à l’annonce du titre sans se renseigner sur ce qu’il va voir, ce qui peut entraîner des malentendus, voire des frustrations. Nous répondons à tous les courriers que nous recevons.

    6 ) Quels sont vos plus beaux souvenirs, votre plus grande fierté ?

    R. Je n’ai que des bons souvenirs (les autres, on les oublie). Ce qui me rend vraiment heureuse, c’est d’avoir fait connaître au public tous ces chefs-d’œuvre !

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    7 ) Quelle place attribuez-vous aux compositrices dans vos programmes?

    R. C’est assez difficile de monter aujourd’hui un opéra écrit par une compositrice. Nous avons eu un projet de monter une œuvre d’Elisabeth Jacquet de la Guerre avec Emmanuelle Haïm, mais il ne s’est malheureusement pas réalisé.

    Nous avons eu un vrai projet avec Sivan Eldar pour Like Flesh. Et récemment, Sivan a adapté certains chœurs de Like Flesh pour accompagner une production de L’enfant et les sortilèges.

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    8 ) Pour vous, l’ouverture vers un public large, en particulier celui des plus jeunes, c’est important ? Pour les plus jeunes, les opéras sont des œuvres longues et peu adaptées. En fonction des œuvres programmées, il peut y avoir des représentations pour les scolaires, mais ça représente des coûts très importants. Nous le faisons donc avec des spectacles qui leur sont plus directement destinés, et avec certains spectacles de danse également.

    Et puis, il y a les Happy Days des enfants et des familles, soit des week-ends portes ouvertes avec des animations spécifiques pour découvrir l’opéra.

    Enfin l’Opéra de Lille a créé le dispositif Finoreille destiné à sensibiliser le jeune public à la musique au travers d’ateliers de chant choral. Tous les ans, ces enfants âgés de 8 à 12 ans ont ainsi la possibilité de présenter le projet qu’ils ont travaillé pendant l’année sur la scène de l’opéra.

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    9 ) Comment marchent les collaborations avec d’autres maisons d’opéra ?

    R. Les coproductions sont de plus en plus difficiles à monter, car les maisons d’opéra font toutes de moins en moins de titres. Pour le baroque, avec le Concert d’Astrée, c’est souvent Lille qui produit, avec des reprises ailleurs. Dans le cas de Polifemo de Porpora, donné cette année, il s’agissait d’une production de l’Opéra du Rhin reprise à Lille.

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    10 ) Quel est votre cahier des charges ?

    R. L’ouverture ! Ouverture à un public diversifié, et ouverture aux artistes innovants.

    8 réflexions au sujet de “DIX QUESTIONS À CAROLINE SONRIER”

    1. Waouh, super billet. Je ne l’ai pas encore lu/écouté mais je vais me précipiter.

      Je pense qu’il y a au moins un opéra que j’ai vu.

      John Duff

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      1. C’est vrai. Mais ce public ne vient pas aux représentations et c’est dommage.
        À noter qu’en prison, de beaux projets (coûteux) furent montés les années précédentes. Les détenus ont alors réalisé à quel point un artiste devait travailler pour qlqs minutes de bonheur. Ces détenus ont voulu renouveler l’expérience mais le ministère s’y est opposé.
        Bonne journée Jean-Louis ! 🎶

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