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LA MORT À VENISE, de BRITTEN (DEATH IN VENICE) (1973)

Dernier des opéras écrits par Benjamin BRITTEN, d’après la nouvelle éponyme de Thomas MANN, créé en 1973 au festival d’Aldeburgh, le titre original est Death inVenice. Il s’agit du testament opératique de Britten, qui écrivait là aussi un des derniers rôles pour son compagnon Peter PEARS.

Acte I : À Munich, en 1911, l’écrivain Aschenbach est en panne d’inspiration. Mais pour lui, ne plus écrire, c’est la mort. Devant un cimetière, un étranger passe, qui lui donne des envies de Sud et de soleil.

Sur le bateau qui le mène à Venise, l’attitude frivole et choquante des jeunes et d’un vieux beau le dégoûte.

Arrivé à Venise, un gondolier étrange, qui n’est pas sans évoquer Charon, le mène directement à son hôtel. Arrivé à l’hôtel, le gondolier disparaît sans réclamer son dû. Le directeur lui présente sa chambre. Resté seul Aschenbach se demande s’il a bien fait de venir à Venise. À l’heure du dîner, les clients de l’hôtel arrivent, racontant leur journée. Parmi eux, Aschenbach est frappé par la beauté d’un jeune adolescent.

Sur sa terrasse, qui donne sur la plage, l’écrivain étouffe à cause du temps qu’il fait. Il songe à quitter Venise, mais le spectacle des enfants jouant sur la plage, et surtout du jeune homme déjà remarqué, l’en dissuade. Il apprend le nom du jeune Éros polonais, Tadzio.

Britten Death in Venice Tadzio

Assailli par les vendeurs à la sauvette et les mendiants, victime du sirocco, Aschenbach est tenté de rentrer chez lui, mais le lendemain matin, arrivé à la gare, il apprend qu’on a envoyé ses bagages dans une autre ville par erreur. Il rentre à son hôtel.

Les enfants jouant sur la plage font plonger Aschenbach dans une rêverie.

Britten Death in Venice jeux sur la plage

Il se trouve sur une plage grecque, où l’on célèbre le culte d’Apollon. Tadzio remporte tous ces « jeux antiques ». Le spectacle redonne l’inspiration à l’écrivain, mais alors qu’il voudrait féliciter le vainqueur, il n’y arrive pas. Il se rend compte qu’il est tombé amoureux du jeune homme.

Acte II : Aschenbach réfléchit à ses sentiments envers le jeune garçon. Au salon de coiffure de l’hôtel, il apprend du capilliculteur que les clients s’en vont, à cause de la maladie qui se répand sur la ville. Voyant arriver Tadzio et sa famille, il ne veut pas qu’ils soient mis au courant de l’épidémie, de peur qu’ils ne quittent la ville eux aussi. Il les suit à la messe à Saint Marc, puis sur le chemin du retour à l’hôtel, se mêlant à la foule peut-être déjà touchée par l’épidémie.

Une troupe de comédiens ambulants vient donner un spectacle. Aschenbach cherche à savoir la vérité sur la maladie, mais le chef de la troupe respecte les consignes officielles, il faut se taire pour ne pas faire fuir les touristes.

Les gens précipitent leur départ. À Aschenbach qui demande pourquoi, un employé finit par lui dire la vérité, une épidémie de choléra se répand sur Venise. Aschenbach est maintenant convaincu de prévenir la famille de Tadzio de quitter la ville. Mais au moment de parler à sa mère, il ne peut rien dire, ce qui l’amène à se poser des questions sur l’art et/ou le sens moral.

Il s’endort et fait un songe, où s’affrontent les côtés apolliniens et dionysiens de sa personnalité. (Pour faire simple, on peut dire que la pensée dionysienne est liée à la nature et à l’ivresse de l’instant présent alors que la pensée apollinienne est centrée sur la raison, et sur la culture qui prend le pas sur la nature.)

Britten Death in Venice Dionysos

À son réveil, il retourne au salon de coiffure se refaire une jeunesse, avant de suivre Tadzio dans la ville. Celui-ci le remarque, mais ne dit rien. Fatigué, Aschenbach s’arrête et achète des fraises, mais celles-ci sont moisies, ce qui lui inspire une réflexion philosophique sur la passion, la sagesse, la connaissance, la disparition.

Le directeur de l’hôtel constate que tous les clients quittent son établissement. Aschenbach apprend ainsi que la famille de Tadzio va regagner la Pologne. Il meurt, seul, à l’hôtel.

(Note : Les personnages qui figurent en gras dans le texte ci-dessus sont chantés par un seul chanteur, double du héros qui lui révèle ce qu’il ne veut pas (sa)voir consciemment. Le rôle de Tadzio est un rôle muet, et est joué par un danseur.)

N.B. la nouvelle originale de Mann a également inspiré VISCONTI pour son très beau film Mort à Venise, film dont la B.O. a révélé au grand public l’adagietto de la 5e symphonie de MAHLER.

Mahler 5e symphonie adagietto

27 réflexions au sujet de “LA MORT À VENISE, de BRITTEN (DEATH IN VENICE) (1973)”

  1. La fin est tragique : mourir seul en une ville étrangère. Mais surtout, mourir pour n’avoir choisi de suivre que le chemin de sa passion – iamais consommée – qui n’était en fait qu’un fantasme.
    Merci Jean-Louis
    Bonne journée
    John

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    1. Merci John, oui, dans la mise en scène que j’ai regardée pour écrire ce billet, on ne sait jamais ce qui est songe et ce qui est réalité, et ces éléments de trouble se trouvent déjà dans le livret (beaucoup de scènes de songes ou de réflexions internes), amplifiés par la présence récurrente de ce « double » du héros !
      Mon billet de demain devrait être plus « léger ». 😀
      Bonne journée à toi.

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    1. Les Carmina Burana, on devrait les chanter à Lille et à Bruxelles en janvier prochain (mais pour l’instant, toutes les répétitions sont annulées). Espérons que d’ici là, les choses se décongestionnent !
      Bonne journée à toi, Julie.

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      1. Oui, effectivement, et je pense que c’est cette actualité qui t’a amené à faire ce billet. Mais en même temps, il est plein de belles musiques.

        « La musique est simplement là pour parler de ce dont la parole ne peut pas parler. En ce sens, elle n’est pas tt à fait humaine »

        « Que recherchez-vous, monsieur, dans la musique ? Je cherche les regrets et les pleurs »

        ( Pascal Quignard, Tous les matins du monde)

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      2. Ah Pascal QUIGNARD, immense écrivain (peu connu par le GRAND public), mais que je suis depuis que je l’ai découvert au travers de « Tout les matins du monde » (le film) de Alain CORNEAU avec J.P. MARIELLE au mieux de sa forme (et Jorge SAVALL pour la musique!!!)

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  2. J’ai jusqu’ici peu écouté Britten, sauf « Le songe d’une nuit d’été », entendu adolescente à l’Opéra de Lyon, et qui est resté un de mes grands chocs musicaux. Ton billet m’a donné envie de reprendre mes investigations 🙂

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    1. Bonjour Esther.
      Pour moi, outre le fait d’avoir chanté du BRITTEN, ma véritable découverte date de « The Turn of the Screw », à l’Opéra Comique vers la fin des années ’80. Et je n’ai pas compris comment j’avais pu ne jamais entendre parler d’un auteur majeur d’opéra. Sous le choc de cette découverte, je suis même retourné le voir le lendemain !
      https://toutloperaoupresque655890715.com/2018/08/23/the-turn-of-the-screw/
      (En relisant ce billet, un des premiers que j’ai écrits, je pense qu’il faudrait que je le reprenne pour le mettre « aux normes » de mon blog).
      Bonne journée à toi.

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