Cinéma, littérature, Mallarmé, Oulipo, Poésie

« TEL QU’EN LUI-MÊME ENFIN L’ÉTERNITÉ LE CHANGE », de MALLARMÉ

Après Oh si chère de loin, je vous propose un autre poème traité à la sauce OuLiPo, choisi dans le riche corpus mallarméen. (Rappel du principe, je prends un poème parmi mes préférés, et j’illustre les images de ce poème par des citations musicales en rapport avec ces images.)

Aujourd’hui, j’ai donc choisi d’illustrer le Tombeau d’Edgar Poe, que Mallarmé a écrit à l’occasion de l’érection d’un monument à sa mémoire.

Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change,

Monteverdi Orfeo finalCliquez sur l’image

Le poète suscite avec un glaive nu

Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu,

Que la mort triomphait en cette voix étrange !

Eux, comme un vil sursaut d’hydre oyant jadis l’ange,

Messiaen Saint-François d'Assise l'ange musicienCliquez sur l’ange

Donner un sens plus pur aux mots de la tribu,

Proclamèrent très haut le sortilège bu

Dans le flot sans honneur de quelque noir mélange.

Verdi Macbeth Tre volte miagolaCliquez sur les sorcières

Du sol et de la nue hostiles, ô grief !

Si notre idée avec ne sculpte un bas-relief

Dont la tombe de Poë éblouissante s’orne

Calme bloc ici bas chu d’un désastre obscur

Kubrick 2001 monolitheCliquez sur le monolithe

Que ce granit du moins montre à jamais sa borne

Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur.

Wagner Crépuscule des dieux corbeaux de WotanCliquez sur la mort de Siegfried

Citations :

enfin l’éternité le change : à la fin de l’Orfeo de MONTEVERDI, Apollon fait monter Orphée au ciel où il jouira de l’immortalité pour contempler l’image d’Eurydice.

Oyant jadis l’ange : j’ai choisi ici l’ange musicien, à l’acte II du Saint François d’Assise (1983) de MESSIAEN.

quelque noir mélange : au début de l’acte III de Macbeth de VERDI, les sorcières préparent un breuvage infernal (un noir mélange) leur permettant de lire l’avenir.

Calme bloc ici bas chu d’un désastre obscur : ce vers me fait immanquablement penser au monolithe du film 2001 a Space Odyssey de Stanley KUBRICK. La musique qui accompagne cette scène est le Requiem de LIGETI.

Aux noirs vols du blasphème : ces « noirs vols du blasphème » me font penser aux corbeaux de Wotan, annonciateurs de la mort de Siegfried à la fin du Crépuscule des dieux, d’autant que le Corbeau d’Edgar Allan Poe est un des poèmes traduits par Mallarmé en français.

9 réflexions au sujet de “« TEL QU’EN LUI-MÊME ENFIN L’ÉTERNITÉ LE CHANGE », de MALLARMÉ”

  1. MERCI ❤ Je repasse ce soir ( au travail, là)
    Mais tu sais quoi ? Je me suis retrouvé désabonnée, encore une fois. ( ?!)
    Pour ça que je n’avais pas reçu la notif.
    Ce n’est pas normal, ça 😡

    J’aime

  2. Ben, tu vois, comme j’ étais de retour plus tôt que prévue, j’ai pris le temps de mettre sur l’ordi et d’écouter les vidéos. Et bien m’en a pris, ça m’a détendue. J’aime bien Wagner, Monteverdi…. Belle découverte de Saint François d’Assise avec l’acte II et l’ange musicien.
    Tu excelles à l’exercice en tout cas 👏
    Et sinon, très très bel hommage de Mallarmé à son maître Edgar Poe. Maintenant aussi beau soit-il, le poème est un peu difficile à comprendre si on ne connait pas le contexte. J’ai donc demandé de l’aide à mon ami Google. Et ce soir, je vais m’endormir moins bête qu’en me levant ce matin. Et j’en suis – on ne peut plus ravie.
    Grand MERCI à toi, Jean-Louis. Très très belle soirée et excellent week-end.
    PS: je ne sais pas dans ton Nord, là-haut, mais ici, retour de l’été avec des températures estivales. Super ! Le soleil me manquait 😎🌞

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    1. Merci SOlène de ce commentaire qui me fait vraiment plaisir.
      Je reconnais que comprendre Mallarmé n’est pas un exercice des plus faciles.
      Je vais me lancer dans une tentative d’explication sommaire.

      Premier quatrain : le poète fait peur à ses contemporains qui ne le comprennent pas
      Deuxième quatrain : ces mêmes contemporains incapables de comprendre le sens plus pur que le poète (l’ange) donne à leurs mots de tous les jours le rejettent.
      Premier tercet : il est question du monument funéraire érigé à la mémoire de POE
      Deuxième tercet : Cette stèle funéraire est sensée enfermer le génie du poète pour qu’il ne gène plus les gens normaux.

      Mais bien entendu, s’agissant de poésie, toute tentative d’épuiser le poème par une explication rationnelle et forcément vouée à l’échec.
      Je te souhaite une excellente soirée.
      (P.S. pour le temps, ça s’est un peu amélioré, mais ça reste quand même maussade, pas vraiment estival.)

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      1. Re-re-merci, Jean-Louis. Oui justement, c’est cette explication de texte ( ou plutôt analyse) que je suis allé chercher sur Google. J’en ai lu plusieurs, toutes se rapprochaient, bien sûr. Mais tu sais, j’aime bien effectuer ce genre de recherches.
        Et là j’avoue que pour ce poème, ça s’est imposé pour la compréhension.
        Bonne fin de soirée, Jean-Louis.

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